Rencontres Sociales

RENCONTRE PROFESSIONNELLE RS/OCIRP/FEGAPEI

UNEA : Vers un humanisme productif

2 mars 2011

Face à la crise, il existe d’autres modèles. Les entreprises du secteur adapté l’ont bien compris et proposent aujourd’hui de partager les fruits de leurs expériences pour pouvoir replacer l’Humain au coeur de l’entreprise. Partage d’expérience avec Jean-Denis Martin, Président de l’UNEA (Union des entreprises adaptées).

Le contexte actuel aidant, le concept d’économie sociale et solidaire rencontre un écho de plus en plus important et les questionnements sur le monde du travail deviennent pressants. Le capitalisme a besoin de s’humaniser et les décideurs peinent à imaginer un système économique alternatif.
L’Union Nationale des Entreprises Adaptées (UNEA) protège les intérêts de 650 Entreprises Adaptées (EA) qui ont pour obligation d’embaucher un minimum de 80% de personnes reconnues en situation de handicap au sein de leur personnel. Depuis sa création en 1987, l’UNEA n’a eu de cesse de mettre en avant un univers professionnel centré sur l’attention portée à la personne humaine. Aujourd’hui, l’UNEA souhaite mettre en avant son modèle de fonctionnement, dont les fondements se concrétisent au quotidien, et qui sur bien des aspects pourraient servir d’exemple à une grande partie du monde économique…

Quels modèles pour l’économie de demain ? Comment faire vivre une entreprise en y intégrant les exigences de solidarité et d’humanisme qui animent de plus en plus les sociétés contemporaines ? Parmi d’autres acteurs économiques, les Entreprises Adaptées s’engagent depuis longtemps sur des pistes en rupture avec le système libéral dominant actuellement, dont la crise a montré les limites. « Entreprises, nous le sommes pleinement, affirme Jean-Denis Martin. Adaptées, car nous employons des personnes qui sont plus fragiles que les autres. » Les EA relèvent du marché du travail et leurs employés sont des salariés à part entière. Pour leurs clients, il ne doit pas y avoir de différences dans la qualité des prestations et la compétitivité des prix. Et pour leur propre survie, elles partagent avec les entreprises traditionnelles un impératif de rentabilité. Mais celui-ci ne passe pas au-dessus de tout le reste, et les enjeux sociaux et humains viennent équilibrer les exigences économiques. En cela, les Entreprises Adaptées incarnent un modèle alternatif qui s’insère dans la mouvance de l’économie sociale et solidaire, comme l’explique Jean-Denis Martin : « L’économie solidaire vise à intégrer une dimension sociale dans les objectifs et le management. Les Entreprises Adaptées ont droit à un label « entreprise solidaire », qui souligne la volonté de s’attacher à placer l’homme au centre de leurs activités. Beaucoup d’entreprises revendiquent de s’engager dans cette voie, mais cela ne se répercute pas nécessairement sur le terrain. Chez nous, cela se traduit par tout ce que l’on fait en dehors de passer purement les consignes de travail. On pourrait souhaiter simplement que beaucoup d’entreprises traditionnelles adoptent ce fonctionnement. »

Une autre vision du management
Sur le terrain, cette démarche se traduit par un important engagement humain des responsables du personnel. « Dans les EA, nous adaptons les postes de travail, mais aussi le management, poursuit Jean-Denis Martin. Un manager en Entreprise Adaptée doit avoir les qualités requises pour tout manager, et doit également intégrer la spécificité du handicap et des besoins du salarié dans sa gestion quotidienne. Or, il existe de nombreux types de handicaps, et autant de réalités différentes à appréhender. Il faut donc établir un relationnel en phase avec chaque employé, une adaptation quasiment personnalisée. Sans entrer dans une démarche totalement sociale, il est indispensable de prendre en compte la situation sociale de chacun. » Si pareil management demande une forte implication, il a en revanche pour contrepartie un bon retour du coté des employés qui voient dans leur travail un réel épanouissement, qui intervient souvent après une période difficile (accident grave, arrêt d’activités suite à des complications de troubles musculo-squelettiques, licenciement…) ou au terme d’un parcours de formation en demi-teinte. « Pour les personnes plus fragiles, avoir un travail stable est rassurant. Le but des EA est de créer des emplois pérennes qui permettent aux salariés d’évoluer, de s’épanouir. Les EA ne sont pas des lieux de passages, elles peuvent constituer une fin en soi, pour une carrière durable. Nous privilégions le long terme, nous sommes sur une temporalité différente. »

Les vertus de l’interventionnisme
Les Entreprises Adaptées reposent sur un modèle économique qui assure leur viabilité financière et compense les surcoûts liés à l’emploi de personnel en situation de handicap. Pour autant, leur fonctionnement ne repose pas sur l’assistanat : en moyenne, les EA vivent de 70 à 80% de leur chiffre d’affaires, et de 20 à 30% des financements publics. « L’ensemble de nos produits, de nos prestations, de nos services, sont au prix du marché, affirme Jean-Denis Martin. Mais cela n’est possible que grâce aux compensations de l’Etat, qui nous permettent de compenser environ 92% de nos surcoûts. » En cette période actuelle de restriction budgétaire, l’Etat a tendance à contingenter son soutien au secteur des EA comme dans d’autres domaines. Pourtant, une étude menée en 2010 en collaboration avec le cabinet KPMG a démontré que pour un euro investi dans une EA, l’Etat en récupère au moins autant dans ses caisses ou dans celles des collectivités locales : impôts, consommation, cotisations sociales… Ainsi cet investissement ne coute rien à l’Etat, alors qu’une personne au chômage lui revient beaucoup plus cher. Ce modèle donne à réfléchir sur l’impact de l’intervention publique dans des domaines appropriés. Ce processus démontre la pertinence de certaines dépenses d’investissement qui peuvent rapporter en retour. L’UNEA souhaite ainsi s’engager dans un « Pacte pour l’Emploi » avec l’Etat sur cette base afin de redynamiser le secteur.

Combiner économie et social
Ainsi la démarche globale engagée par les Entreprises Adaptées peut-elle être considérée comme une des références à envisager dans les pistes de réflexions actuelles menées sur le monde du travail et les rénovations du système économique. Généralement très engagées dans leur tissu économique local, les EA parviennent à combiner exigences économiques et considération sociales tout en maintenant un niveau de performance et de qualité reconnu. Elles interviennent auprès d’une population en rupture d’un monde de l’entreprise qui laisse de moins en moins de place aux personnes fragilisées. « Le succès d’une EA se manifeste quand elle parvient à concilier cette dualité entre l’économique et le social, conclut Jean-Denis Martin. Nous ne nous positionnons pas sur l’idée de rentabilité à outrance. Il existe des entreprises traditionnelles qui défendent également ce point de vue, mais ce n’est pas le modèle le plus courant. Or, ne pas prendre en compte la dimension humaine dans le management ne peut mener qu’à des conflits. Peu d’écoles enseignent cela aujourd’hui. Il est assez rare qu’une Entreprise Adaptée dégage de grosses marges. Mais lorsque cela arrive, le surplus est investi dans la structure ou dans l’emploi pérenne. Cela correspond à la fibre sociale de notre entrepreneuriat » conclut Jean-Denis Martin.

www.unea.fr

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