NOUS NE MARCHERONS PLUS !
Plus de 25 ans après la marche pour l’Égalité et contre le Racisme de 1983, Nassurdine Haidari, élu PS à Marseille, demande aux candidats à la présidentielle de ne pas oublier les quartiers, de présenter un projet politique "qui mette enfin en application le principe constitutionnel d’égalité". L’appel est paru le 18 octobre, sur les sites Internet du Nouvel Obs, du meilleurdemarseille, de Respect mag et a été relayé par Le Monde version papier dans le dossier consacré aux minorités visible le vendredi 28 octobre.
Partie de Marseille le 15 octobre 1983
dans l’indifférence générale, une
longue marche pour l’Egalité et
contre le Racisme allait rassembler le
3 décembre de la même année près
de 100 000 personnes à Paris.
L’aspiration à l’Egalité de ces jeunes,
excédés par les meurtres racistes à
répétition, mais aussi par les
violences ordinaires, les humiliations
et les brimades de toutes sortes était
sans précédent. Cette marche non
violente pour une citoyenneté à part
entière interpellait l’ensemble de la
société sur l’écart entre les valeurs
républicaines qu’elle professait et la
réalité de la ségrégation et des
discriminations raciales.
Malheureusement, près de trois décennies se sont écoulées et les conditions de vie des jeunes Français d’ascendance migrante et coloniale et des quartiers populaires ne se sont toujours pas vraiment améliorées. Et même si quelques initiatives politiques ont amélioré certains aspects de la vie quotidienne en surface, même si une petite classe moyenne a su émerger de ces quartiers, les inégalités, les injustices et les violences ordinaires perdurent en prenant de nouvelles formes.
Certes, les crimes racistes ont quasiment disparu, mais la situation actuelle reste explosive.
Chômage de masse (en moyenne deux à trois fois plus concentré dans les quartiers
populaires), inégalité scolaire, confrontations violentes et répétées avec la police, conditions
de logement indécentes, expulsions des plus pauvres des zones « rénovées », paupérisation
galopante : faute d’être remises en cause, que ce soit par la droite ou la gauche, loin de
reculer, ces logiques économiques, sociales et environnementale n’ont fait que s’aggraver.
Mais il y a plus : depuis 2002, au mépris de la mobilisation massive contre l’idéologie du Front national, la normalisation de la parole raciste en politique comme dans les médias, l’instrumentalisation de l’Islam et la stigmatisation de l’immigration ou encore l’exploitation du passé colonial ont beaucoup contribué à légitimer les discriminations à grande échelle Ainsi, les effets déjà anciens de la relégation sociale, de la marginalisation économique et du mépris culturel dont la droite et la gauche partagent la responsabilité, sont aujourd’hui redoublés par les discours et les actes d’un sarkozysme qui traite les habitants des quartiers, et surtout les jeunes, comme des étrangers de l’intérieur. Or cette nouvelle génération, au demeurant bien française, malgré les obstacles renouvelés devant elle, a largement contribué au développement économique, politique, social, associatif et culturel de la France.
Nous ! Citoyens oubliés de la République, déclarons ne plus croire aux promesses sans
lendemain, aux grands discours creux et paternalistes.
Nous ! Citoyens discriminés de la République, renouvelons l’appel à l’égalité et à la
solidarité.
Nous ! Citoyens de seconde zone de la République, réaffirmons notre détermination à
transformer les conditions de vie des quartiers.
Nous ! Citoyens de la République de toutes origines, refusons les inégalités, défendons une
certaine idée de la politique consistant à être au service de tout citoyen, quelle que soit sa
condition sociale, ses croyances, sa religion, ses appartenances politiques ou son pays
d’origine.
Nous ne marcherons plus dans les calculs politiques à court terme qui instrumentalisent la
différence, qui installent le désespoir et la déshérence au coeur de nos cités.
Nous ne marcherons plus dans ces politiques de la ville annoncées en fanfare, « plans
Marshall » ou « antiglandouille »…
Nous ne marcherons plus pour demander ce qui devrait nous revenir de droit : une égalité
réelle garantie par la loi et vérifiée dans les faits.
Par cet appel, nous exigeons de tous les candidats à l’élection présidentielle de 2012 qu’ils
présentent un projet qui mette enfin en application le principe constitutionnel d’égalité.
Nous les appelons à réparer les injustices sociales subies par toute une génération oubliée,
lassée et déçue par une politique qui a dénaturé et trahi les valeurs de notre pays en
disqualifiant ses propres citoyens. Le projet de notre société ne peut plus se faire sans nous,
car malgré l’aveuglement de certains, c’est bien avec nous toutes et nous tous que se
construit aujourd’hui la France de demain.
Ils soutiennent l’Appel :
http://www.respectmag.com/2011/11/1...
Jean Baubérot, Professeur émérite de la chaire "Histoire et sociologie de la laïcité" à l’Ecole Pratique
des hautes Etudes.
Esther Benbassa, universitaire, sénatrice
Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques
Said Boukenouche, soutien actif de la marche de 1983
Jalil El Harrani, soutien actif de la marche de 1983
Eric Fassin, sociologue à l’École normale supérieure
Vincent Geisser, politologue et directeur du centre d’information et d’études sur les migrations
internationales
Nacira Guénif, sociologue, université Paris Nord/13
Farid l’Haoua, porte parole de la marche pour l’Egalité de 1983
Saïd Iddir, soutien actif de la marche de 1983
Raphaël Liogier, directeur de l’observateur du religieux
Marie-Laure Mahé, marcheuse permanente de l’Egalité de 1983
Said Merbati, soutien actif de la marche de 1983
Marwan Mohammed, sociologue
Hanifa Taguelmint, marcheuse de l’Egalité et organisatrice du forum justice
Alain Touraine, sociologue, directeur d’études à l’EHESS.