Mots clés
La création du Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES) suscite des réactions de méfiance chez certains acteurs du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), inquiets de la confusion que pourrait créer ce nouvel acteur. Parce que son existence pose de vraies questions ?
Le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) vient d’être porté sur les fonts baptismaux. Il entend rassembler des personnes dirigeant des entreprises à forte utilité sociale, indépendamment d’un statut juridique qui ne vaut pas automatiquement brevet de vertu. Une initiative qui fait des vagues au sein du petit monde de l’économie sociale. Faut-il que ce secteur - qui se vante de peser 10 % de l’emploi et de rassembler des milliers de coopératives, mutuelles et associations - soit en crise pour s’effaroucher de l’apparition d’une association qui compte aujourd’hui moins de cent adhérents (dont l’auteur de ces lignes) ?
De fait, l’économie sociale, légitimement fière de ses « valeurs » et de ses « statuts », peine parfois à donner un contenu concret aux premières et à faire vivre démocratiquement les seconds. D’où son inquiétude devant le Mouves,accusé de faire entrer dans la bergerie de l’économie sociale le loup du social business à l’anglo-saxonne.
C’est-à-dire une vision du social qui, au nom de l’empowerment des plus pauvres, glorifie la prise en charge par la société civile de ses propres problèmes, en faisant l’impasse sur la critique du capitalisme et le nécessaire rôle de l’Etat. Le risque est réel. Mais guère plus que celui lié à l’idée, répandue dans l’économie sociale, qu’il serait possible d’être solidaire sans remettre en cause la logique du marché. Le Mouves doit rapidement déterminer les critères définissant ce qu’est une entreprise sociale pour écarter tout soupçon. Quant à l’économie sociale, elle devrait s’interroger sur son identité et son potentiel de transformation sociale, avant de chercher des boucs émissaires à ses doutes existentiels.
Philippe Frémeaux | Article Web - 14 avril 2010