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« Je crois à cette grande idée de l’économie sociale qui vise à redonner du sens à l’action économique »

21 décembre 2010 - Alain Goguey

Député du Nord (Nouveau Centre), Francis Vercamer a remis en avril dernier un rapport sur l’économie sociale et solidaire. Depuis, il fréquente assidûment les colloques, séminaires et autres rencontres qui rythment l’actualité politique de ce secteur. Il a d’ailleurs été désigné pour représenter l’Assemblée nationale au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire qui vient d’être installé.

Le plan de développement de l’économie sociale et solidaire du gouvernement vient d’être rendu public. Lundi 8 novembre, il était à Arras pour un colloque sur le thème "Entreprendre autrement". C’était l’occasion de l’interroger sur les suites de son rapport.

Nord-Social.Info : Parmi les 50 propositions que vous formuliez dans votre rapport, quelles sont celles qui ont été retenues et qui seront mises en oeuvre rapidement ?

Francis Vercamer : Mon rapport comportait quatre orientations et cinquante propositions. Parmi ces quatre orientations, il y avait la visibilité de l’économie sociale et solidaire, la prise en compte de ses spécificités et notamment de ses valeurs, l’égalité de traitement entre l’économie sociale et solidaire et l’économie classique et enfin la prise en compte de cette économie dans les politiques publiques et notamment au moment de l’élaboration des lois. Le gouvernement a accueilli ce rapport avec assez d’enthousiasme. Sans doute est ce compliqué parce qu’il y a plusieurs ministres qui sont concernés : Christine Lagarde par l’économie, Laurent Wauquiez par l’emploi et l’insertion par l’activité économique, Marc-Philippe Daubresse par le biais notamment de la vie associative et Eric Woerth sous l’angle de la cohésion sociale sans parler de Jean-Louis Borloo pour les énergies vertes et le développement durable.

De mon rapport, il y a une quinzaine de propositions qui sont en train d’être reprises. D’autres le seront sans doute par la suite lorsqu’elles auront été précisées et retravaillées certaines propositions de mon rapport n’étaient que des ébauches.

Marc-Philippe Daubresse travaillle sur la territorialité de l’économie sociale notamment par le développement des réseaux, des CRESS et des agences régionales de développement. Là dessus il a défini quatre régions expérimentales (NDLR : Aquitaine, Languedoc Roussillon, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes).pour lesquelles il va débloquer des crédits pour pouvoir développer ces réseaux. Il a également préfiguré la création de la fondation d’utilité publique destinée à financer l’économie sociale, qui figurait dans mon rapport.

Laurent Wauquiez s’est emparé de la question de la visibilité. Il a demandé à Claude Alphandéry de travailler sur la question du label. Son dynamisme sont expérience seront très utiles.
Une autre personne sera également chargée de travailler sur le financement de l’économie sociale au niveau européen.

Par ailleurs le gouvernement va également travailler sur des propositions d’envergure moindre comme par exemple celle qui devrait permettre à des salariés de reprendre leur entreprise en Scop. Ce sont des propositions de moins grande envergure mais qui sont très symboliques et très demandées par les représentants de certaines catégories d’entreprises de l’économie sociale

Je suis donc assez satisfait de voir qu’il y a un certain enthousiasme, une envie d’aller un peu plus loin dans le rapport. On aurait pu craindre en effet que ce rapport ne finisse dans un tiroir avec de belles promesses et qu’il ne soit suivi d’aucun effet

Nord-Social.Info : Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire a été installé la semaine dernière. Quels changements ?

F.V. : Dans sa composition, il est un peu plus large que par le passé. L’économie sociale et solidaire y est mieux représentée. Il y a aussi des représentants des collectivités territoriales (maires de France, Départements et Régions) ainsi que des représentants des grandes directions centrales de l’État et un député – c’est moi qui ai été désigné – et un sénateur. Et il est présidé par les ministres concernés.

C’est l’occasion au sein de ce Conseil pour l’ensemble d’acteurs de l’économie sociale de continuer à discuter avec le pouvoir politique pour essayer de faire avancer des propositions, adapter et tenter de trouver un consensus lorsqu’il n’y a pas d’accord. La nouveauté c’est aussi que le conseil supérieur de l’économie sociale aura un mode de fonctionnement en groupes de travail. Ce sera un véritable atelier puisque trois commissions ont été créées (NDLR : label, dimension européenne et financement). D’autres pourront encore voir le jour.

Il aura à réfléchir pour formuler des propositions qu’il faudra ensuite porter pour les faire avancer. Il pourra compter sur les parlementaires qui siègeront en son sein pour les relayer.

Nord-Social.Info : Les associations souffrent d’être confrontées à des difficultés de financements et à la multiplication d’appels d’offres segmentés où elles sont en concurrence avec le secteur privé lucratif.

F.V. : Je n’avais pas abordé dans mon rapport cette question du financement associatif. Il faudra mener une réflexion là-dessus. D’une façon générale il y aura à travailler sur le financement de l’économie sociale, comme favoriser l’accès des structures du secteur au dispositif Oseo ou la possibilité pour les associations de disposer de réserves financières. . C’est pour cela que Laurent Wauquiez a soutenu la mise en place d’un groupe de travail sur la dimension européenne. Il faudra sans doute travailler sur la question du Social Business Act. Il faudra travailler sur la question de l’économie sociale européenne en général pour que l’économie sociale française soit prise en compte dans cette grande politique européenne qui semble voir le jour au niveau européen

Nord-Social.Info : On a surtout communiqué sur la création de micro-franchises solidaires. Est-ce que cela ne peut pas donner l’impression que l’on est dans une économie de la réparation ?

F.V. : Je ne le pense pas. Le grand emprunt est d’ailleurs remboursable ce qui montre bien que le gouvernement a dans l’idée qu’il s’agit bien d’une économie pérenne qui sera capable de le rembourser. Ne pas oublier que ces micro franchises peuvent créer de l’emploi, ce qui n’est pas anodin dans un contexte de crise. De plus les expériences de l’ESS peuvent essaimer et redonner du sens à une économie qui en a perdu beaucoup car il peut y avoir complémentarité entre les différentes économies. Mais attention à ne pas banaliser cette économie qui a des spécificités et des statuts qu’il ne faut pas oublier dans les textes de lois.

En faisant mon rapport, je me suis rendu compte que cela faisait vingt ans que l’on parlait de l’économie sociale et solidaire mais que rien ne bougeait pour autant sauf au niveau local. Depuis la publication de mon rapport, cela a un peu changé.

Toutes les propositions que j’ai formulées ne pourront pas être retenues par le gouvernement. Mais l’important et d’avancer et que chacun y mette du sien pour que ce mouvement puisse s’inscrire dans la durée. C’est évidemment un travail de longue haleine qui a été entamé, une véritable course de fond. Et dans une course de fond, il est essentiel de ne pas se tromper de rythme et de ne pas partir pour un marathon en démarrant comme pour un sprint.

Les choses vont continuer à progresser. La semaine dernière, j’ai fait une proposition qui n’était pas dans mon rapport, celle de réformer la représentativité patronale et d’y prévoir une place dans l’économie sociale. Le ministre a entrouvert la porte en considérant qu’il s’agissait d’une idée qui méritait d’être creusée.

Je continue à faire le service après-vente de mon rapport mais je ne peux pas agir seul et je compte beaucoup sur le conseil supérieur de l’économie sociale où toutes les composantes seront représentées. L’économie sociale et solidaire a aujourd’hui des représentants qui sont prêts à la défendre au Parlement comme je viens de le faire par exemple sur cette question de la représentativité patronale. On me shttp://www.nord-social.info/ecrire/ ?exec=articles_edit&id_article=491ollicite déjà et je le fais avec plaisir parce que tant que la visibilité ne sera pas suffisante, elle aura du mal à se faire entendre.

Je crois à cette grande idée de l’économie sociale qui vise à redonner du sens à l’action économique. Je la porte parce que j’y crois et que je partage et défend ses valeurs.

Nord-Social.Info : Dans votre rapport, vous aviez préconisé un interlocuteur unique. Vous avez évoqué tout à l’heure quatre ou cinq ministres de tutelle. Sur ce point, vous n’avez pas été suivi.

F.V. : On verra ce qu’il en est après le remaniement ministériel. Peut-être y aura-t-il alors un ministre qui sera en charge de cette grande idée et qui aura envie de la faire avancer. Ce serait évidemment encore mieux. R Propos recueillis par Alain Goguey

NDLR : On sait désormais que le remaniement n’a pas simplifié les choses et que le député du Nord devra sans doute reprendre son bâton de pèlerin pour convaincre les nouveaux ministres concernés par l’économie sociale et solidaire. Car si Christine Lagarde ne change pas, Marc-Philippe Daubresse, lui, a disparu de la nouvelle équipe gouvernementale.
L’emploi est revenu à Xavier Bertrand, la vie associative à Luc Chatel et Jeannette Bougrab, Nathalie Kosciusko-Morizet récupère l’écologie et le développement durable et Roselyne Bachelot la cohésion sociale.
De ce point de vue, il semble que l’économie sociale et solidaire soit très loin d’y avoir gagné en visibilité au sein du nouveau gouvernement Fillon.

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