Un décret et un arrêté contraignant les complémentaires santé à rembourser les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes ont été publiés récemment. Cette mesure est-elle susceptible, selon vous, de faciliter l’accès de tous aux soins ?
Les mesures imposées par le gouvernement ne vont en rien réduire l’écrasante facture des dépassements d’honoraires à la charge des usagers et de leurs complémentaires. Voilà pourquoi, avec les associations de consommateurs et les organisations syndicales, nous avons condamné publiquement ces choix politiques. Nous sommes, quant à nous, pour une réforme ambitieuse du mode de rémunération des médecins et pour la suppression du secteur 2. Actuellement, les jeunes médecins, dès qu’ils ont les diplômes requis, s’installent dans le secteur à honoraires libres. Ce qui était hier l’exception, dans certaines spécialités, devient la norme. La situation est encore plus dramatique dans la chirurgie dentaire ou depuis une quinzaine d’années l’assurance maladie a renoncé à rembourser tous les nouveaux actes comme l’orthodontie ou l’implantologie. Cela ne peut plus continuer ainsi sauf à se satisfaire qu’une partie importante de la population renonce de plus en plus fréquemment à se soigner pour des raisons financières.
Faut-il remettre en cause l’exercice privé à l’hôpital ?
Oui, franchement oui. C’est un archaïsme hérité de la
réorganisation de la profession hospitalière du début des
années soixante. Il ne concerne que 10% des 45 000 praticiens
à temps complet qui travaillent dans nos établissements
publics. Je m’associe totalement à l’appel lancé par deux cents
médecins hospitaliers pour demander la suppression de cet
exercice privé. Cette situation aurait pu se régler depuis
longtemps puisque la disparation de ce secteur avait été
programmée pour le 31 décembre 1986. C’est l’alternance
politique de 1987 qui l’a rétabli. Et c’est encore la majorité
actuelle qui a réduit le montant de la redevance que les
médecins hospitaliers doivent reverser à leur établissement en
compensation de l’utilisation des équipements et des
personnels.
On ne peut plus tolérer qu’il y ait deux portes
d’entrée dans les hôpitaux publics. L’une qui vous promet des
files d’attente, des rendez-vous fixés, parfois, aux calendes
grecques et l’autre où
vous pouvez passer
devant tout le monde
parce que vous avez les
moyens de payer des
honoraires qui parfois
frisent l’indécence
comme l’a révélé une
récente enquête
conduite par une
association de
consommateurs.
Bien sur, cela ne suffira
pas à remettre à flots des
hôpitaux publics qui
manquent cruellement de moyens mais du moins cela
permettra de restaurer le sens de l’intérêt général que de telles
pratiques mettent à mal. Notre société n’a jamais eu autant
besoin d’un système de santé qui soit au service de tous.
Une prise en charge à 100% des dépenses de santé couvertes par la sécurité sociale vous semble-t-elle un pas nécessaire vers l’égalité des soins ?
De toute son histoire, jamais la Sécurité sociale n’a pris en charge la totalité des dépenses de santé. Comment alors répondre à l’angoisse de toutes ces personnes qui ont peur de ne plus pouvoir se soigner correctement parce que les soins, sous la pression des dépassements d’honoraires, sont devenus hors de prix. Il faut redonner, par une réforme du financement, les moyens à l’assurance maladie de jouer un rôle central dans l’organisation d’une protection sociale solidaire. Ensuite il faut permettre à la mutualité, qui agit avec désintéressement, de jouer son rôle non seulement pour que notre système soit plus juste mais aussi mieux organisé. Voilà la direction à prendre pour que la population se sente à nouveau réellement protégée. Quelles seraient les solutions, selon vous, pour garantir un système de santé plus égalitaire ?
Elles tiennent en trois mots. Nous voulons rétablir la
pérennité, l’efficacité et la justice de notre système. Cela
passe par une réforme ambitieuse et équitable du mode de
financement actuel à la fois pour dégager les ressources
nécessaires mais aussi pour nous débarrasser d’une dette
sociale dont le poids financier est chaque année plus lourd.
L’accès aux soins de premier recours doit être développé.
Nous sommes pour la généralisation du tiers payant. Nous
sommes pour que les restes à charge soient nuls ou faibles.
Pour cela les tarifs opposables de l’assurance maladie
doivent redevenir la règle à partir de laquelle les mutuelles
sont d’accord pour assumer toutes leurs responsabilités y
compris financières.