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Marcel Hipszman : « Un printemps de l’économie sociale ? »

6 mai 2010

Marcel Hipszman, Président de l ‘Association Internationale des Investisseurs dans l’Économie sociale a développé son analyse sur la crise qui ébranle le système de l’économie classique lors de l’assemblée générale de la Caisse Solidaire qui s’est tenue à Lille.
« Il faut aussi espérer, a-t-il conclu au terme de sa démonstration, que les leçons de la crise ne soient pas perdues et surtout que l’économie sociale et solidaire ne tarde pas à mettre à profit l’opportunité unique qui lui est offerte pour faire progresser ses valeurs et jouer dans le monde globalisé de demain un rôle à sa mesure. »

Marcel Hipszman a confié ce texte à Nord-Social.Info en guise de contribution.

Un printemps de l’économie sociale ?

Le constat est souvent fait que le poids politique de l’économie sociale et solidaire n’est pas à la mesure de l’importance du secteur, comme en témoigne le panorama de l’économie sociale et solidaire réalisé fin 2008 par le conseil national des CRES avec le concours de l’INSEE : près de 10% du PIB,un emploi salarié sur 10 avec un taux de croissance de l’effectif nettement supérieur à la moyenne. Au niveau UE les chiffres sont comparables.

Cette situation résulte pour une part de la difficulté de l’ESS à communiquer sur ce qu’elle est, sur ses valeurs, d’une certaine réticence à le faire aussi. Mais il ne s’agit pas seulement d’une affaire de communication. Il y a des entreprises de l’économie sociale qui savent très bien communiquer. Il s’agit tout autant d’un problème qu’on peut qualifier de culturel qui réside dans les barrières qu’oppose une idéologie dominante et les media qu’elle contrôle ou influence et qui façonnent l’opinion,à tout ce qui lui est étranger.

« La main invisible » tremble

Or, les circonstances exceptionnelles que nous vivons depuis plus d’un an créent une situation tout à fait nouvelle. Elles ont ébranlé, même chez ses plus chauds partisans le « credo », ce que Joseph Stiglitz, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale et prix Nobel appelle « market fundamentalism », guidé par la « main invisible » d’Adam Smith, qui depuis les années 1980, avec la dérégulation à tout va de Ronald Reagan et le « Big Bang » de Margaret Thatcher, avec dans leur sillage les réformes mises en œuvres progressivement un peu partout, y compris en Franc, régit la sphère économique et financière.

Nous sommes confrontés à une triple crise : financière, économique, climatique et environnementale. Cette dernière ayant sans doute à terme l’impact majeur.
Or, la globalisation amplifie désormais incroyablement des phénomènes autrefois relativement circonscrits. Des remises en cause fondamentales ont lieu, comme en témoigne le retour en force de l’intervention publique réclamé par ceux la même qui la récusaient totalement.

On l’a vu, dans diverses instances (Rapport Larosière) et récemment encore, à l’occasion du G 20, toute une série de mesures qui vont à l’encontre des politiques qui prévalaient il y a peu encore, sont proposées : régulation renforcée ou étendue à des domaines qui y échappaient jusqu’ici, réforme des organismes de supervision et des agences de notation, injection massive de capitaux publics, etc.. Toutes sont utiles et, sans doute nécessaires. Des questions subsistent quant à la volonté réelle de les mettre en œuvre. On peut également s’interroger sur la pertinence qu’il y a à investir des sommes colossales pour renflouer les banques, sans effet très perceptible sur l’économie.

Ne pas laisse revenir les vieux réflexes

Au-delà, il est à craindre, comme on le voit poindre ici ou là, dès la moindre embellie qu’une fois la situation rétablie, les vieux réflexes reprenant le dessus ne conduisent aux mêmes excès. Or, il n’est pas imaginable pour les responsables politiques et pour les populations, dans un monde globalisé, de se résigner à la reproduction, à intervalle régulier de crise de cette ampleur, conduisant à des situations économiquement et socialement insoutenables.

Car ce qui est remis en cause, ce n’est pas simplement le fonctionnement de la finance et de l’économie, c’est un système de valeurs fondé sur la recherche exclusive du profit et qui est à l’origine profonde de la crise. Et c’est là précisément qu’est l’atout de l’économie sociale et solidaire basée sur un tout autre système de valeurs privilégiant l’utilité sociale, la solidarité, la non appropriation individuelle des richesses produites, un mode de gouvernance démocratique.

Il y a donc là une opportunité unique, non pas sans doute, de mettre en œuvre le rêve, un temps caressé par Charles Gide d’une « République coopérative universelle », mais de se poser en alternative et de peser suffisamment pour se faire entendre, à tous les niveaux,là où se discute la refondation du système financier mondial et proposer des solutions qui s’inspirent des principes de l’économie sociale pour espérer prévenir ainsi la reproduction des mêmes errements.

Faire progresser les valeurs de l’économie sociale

C’était le sens de l’appel lancé par les membres d’INAISE « Association internationale des investisseurs dans l’économie sociale », lors du Sommet mondial de la Finance Sociale en juin 2008 à Québec. Adressé à diverses instances et personnalités entres autres : José Manuel Barroso, le président de la Commission Européenne et Dominique Srauss-Kahn, le Directeur –Général du FMI avec pour résultat une réponse polie du premier, pas de réponse du second.

Beaucoup plus récemment,invité au titre d’Inaise, au congrès de l’Institut mondial des Caisses d’épargne qui avait pour thème « l’inclusion financière dans une société globalisée », outre le plaisir de découvrir un réseau très impliqué dans l’appui aux microentreprises, notamment en Amérique latine et se revendiquant de valeurs proches des nôtres, j’ai eu l’heureuse surprise de voir adopter une déclaration portant à la fois sur la crise et sur l’inclusion financière, présentée comme un défi important pour les Caisses d’épargne .
Voici donc un grand réseau bancaire:191000 agences, 8081 milliards€ d’actifs qui ne craint pas de s’exprimer, y compris sur la crise et ses remèdes éventuels.

On aurait aimé, j’exprime là une opinion personnelle, que les grandes institutions financières de l’économie sociale, à commencer par celles que nous connaissons le mieux se fassent entendre, même si pour certaines l’exercice pouvait présenter quelque difficulté.
Seule l’interpellation de quelques universitaires est venu rompre le silence observé pour poser les questions sur la situation des banques coopératives dans cette conjoncture et amorcer un débat nécessaire.

C’est ce débat que de son coté,le président du Crédit Coopératif,dans un article paru dans le Monde du 25 février dernier, sous le titre « Plaidoyer pour la « biodiversité « bancaire française » a accepté d’ouvrir ,en apportant des éléments de réponse et des pistes d’évolution.
Il faut espérer qu’il puisse être poursuivi.

Il faut aussi espérer que les leçons de la crise ne soient pas perdues et surtout que l’économie sociale et solidaire ne tarde pas à mettre à profit l’opportunité unique qui lui est offerte pour faire progresser ses valeurs et jouer dans le monde globalisé de demain un rôle à sa mesure.

  • Marcel Hipszman (IDES, France) est président de l ‘Association Internationale des Investisseurs dans l’Économie sociale depuis juin 2008.
    Chargé de mission auprès du président du groupe Esfin-Ides,président de Sofinei (société de financement des entreprises d’insertion), Marcel Hipszman est activement engagé, depuis un peu plus de 20 ans, dans le domaine du financement des entreprises de l’Economie Sociale
  • L’Association Internationale des Investisseurs dans l’Économie sociale(INAISE) est un réseau international d’organismes ayant pour objectif le financement de projets sociaux et environnementaux. Créé à Barcelone, Espagne, en 1989 à l’initiative de 7 organisations financières de l’économie sociale, INAISE a connu une croissance rapide liée au développement du mouvement de la finance sociale et solidaire qui a très vite gagné en nombre, en visibilité et en importance dans la plupart des pays européens et non européens. Grâce à INAISE, les investisseurs sociaux, de la Norvège à l’Afrique du Sud et du Costa Rica au Japon, se sont unis pour échanger leurs expériences, diffuser l’information et montrer au monde entier que l’argent peut être facteur de changement social et environnemental.

Le site de l’INAISE

http://www.nord-social.info/spip.ph...

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