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Syndicalisme et Economie sociale : l’exemple portugais

23 mars 2010

Nous accueillons ici notre ami Marcel Caballero pour un regard sur les liens entre syndicalisme et Economie sociale.

"Dans un précédent numéro des Brèves, nous abordions les relations entre syndicalisme et économie sociale, dans une approche historique et à travers différents exemples nationaux. Nous mettions en évidence le fait que la liste des expériences syndicales pourrait être longue, mais que cette énumération gagnerait en intérêt si une recherche était conduite, permettant un compte-rendu exhaustif et évaluatif des raisons des succès et des échecs. En effet, dans le monde, les initiatives économiques des syndicats, dans le champ de l’économie sociale, sont nombreuses et mal connues ; elles revêtent de multiples formes et obtiennent des résultats très variables en fonction des contextes historiques, économiques et sociaux, mais aussi de choix idéologiques propres à chaque organisation. Aujourd’hui, notre modeste contribution se limitera à signaler quelques réalisations dont nous avons connaissance au Portugal.

L’exemple du Portugal est intéressant, à bien des égards. (Rappelons que deux organisations y dominent le mouvement syndical : la Confédération Générale des Travailleurs CGT-P) et l’Union Générale des Travailleurs (UGT-P). Comme leurs homologues espagnoles, ces organisations ont vécu, jusqu’à une période récente, dans une grande proximité à l’égard des partis politiques, le communiste pour l’une, le socialiste pour l’autre). Les activités économiques des syndicats portugais visent à offrir à leurs adhérents des services à des conditions avantageuses et quelquefois exclusives et, par là, à les fidéliser. La plupart de ces activités sont le fait de syndicats professionnels nationaux ou régionaux qui, dans la tradition syndicale portugaise, disposent d’une grande autonomie.
Elles sont généralement réalisées au travers de coopératives, associations ou fondations directement liées aux syndicats ; mais elles peuvent également être déléguées à des entités extérieures.
D’une manière générale, les syndicats ont des relations anciennes et étroites avec le mouvement coopératif. Cela est moins vrai des mutuelles qui se sont principalement développées dans les activités libérales. Quelques exemples :

- Le Syndicat des employés de banque de l’UGT-P a créé son propre système de santé, le SAMS. Outre le conventionnement de praticiens et d’établissements de santé, il offre à ses adhérents l’accès à ses propres dispensaires et hôpitaux. Certains de ces établissements sont parmi les meilleurs du pays. C’est le cas de son hôpital général de Lisbonne dont la conception du plateau technique a fait l’objet, en son temps, d’une collaboration avec l’Institut Mutualiste Montsouris de la Mutualité Fonction Publique française, au travers de l’Institut de Coopération Sociale Internationale qui s’est fortement investi au Portugal dans les années 80 – 90. Le SAMS dispose également de 5 cliniques à la périphérie de Lisbonne, de 15 autres dans les régions, d’une résidence médicalisée pour personnes âgées, de centres pharmaceutiques, optiques,… Ce syndicat - l’un des plus, importants de l’UGT-P – a créé également un réseau de magasins coopératifs (COOPBANCARIOS), dont un important centre commercial au centre de Lisbonne, ainsi que des résidences de vacances. Cette coopérative est née dans le contexte des années 70 qui a vu l’éclosion d’un important mouvement coopératif dans tous les secteurs de l’économie nationale. Il s’agissait alors de proposer aux membres des biens et services dans les meilleures conditions de qualité et de prix.

- Le Syndicat des agents de la fonction publique (SINTAP) propose à ses adhérents un ensemble de services : assurance, vacances, carte d’achats,…

- La Fédération des enseignants (FENPROF) a également développé une importante activité de services aux adhérents. Elle leur propose en particulier un complément retraite. Par ailleurs, la Fédération nationale des syndicats de l’éducation diffuse auprès de ses adhérents une carte de crédit couplée avec un fonds de pension.

- Au niveau de l’UGT-P et de plusieurs de ses organisations sectorielles (banque, assurance), l’on peut citer l’expérience réalisée dans le domaine de l’assurance. Depuis 1996, elles sont parties prenantes d’une société d’assurance-dommages créée en partenariat avec EURESA Holding, les sociétés d’assurances mutualistes P&V (Belgique), MACIF (France), UNIPOL (Italie)… et plusieurs organisations portugaises de l’économie sociale. Dénommée EuresaP, à l’origine, cette société a ensuite pris le nom de SAGRES. Depuis 2009, MACIF-Portugal a pris le relais en position majoritaire et a récemment accueilli la CGT-P parmi ses actionnaires.

- A l’instar de la MACIF, plusieurs entreprises françaises de l’économie sociale, qui ambitionnent de s’implanter au Portugal, s’efforcent d’obtenir la coopération des syndicats portugais. C’est le cas aujourd’hui, par exemple, du Groupe CHEQUE DEJEUNER dont la récente création de la filiale portugaise s’est réalisée en concertation avec les syndicats et la plupart des organisations portugaises de l’économie sociale.

D’autres exemples pourraient être donnés. La démarche des syndicats portugais est, en matière d’activité économique, assez proche de celle de leurs voisins espagnols. Elle s’inscrit dans une conception de syndicalisme gestionnaire dont la traduction pratique a varié selon les périodes (Rappelons-nous, par exemple, la collectivisation des entreprises par les syndicats espagnols pendant la guerre civile).
Au Portugal, comme en Espagne, ces expériences ont connu des succès variables. Certaines ont échoué. D’autres ont échappé au contrôle de leurs promoteurs. Les plus pérennes sont, apparemment, celles qui ont su s’adapter à l’évolution des attentes des adhérents et à l’évolution des marchés et, surtout, celles qui se sont dotées de systèmes de gestion où le professionnalisme des dirigeants compte autant que leurs qualités militantes.
Aucune étude significative n’a été réalisée sur le sujet, alors que les relations entre le monde syndical et l’économie sociale ont, dans la plupart des pays, façonné le modèle social (S’agissant de la France, qu’aurait été le système mutualiste sans l’intervention syndicale ?) Une recherche approfondie, sinon exhaustive, ne serait pas un simple exercice intellectuel au moment où syndicalisme et économie sociale sont confrontés à la même interrogation vitale : « Comment s’adapter sans abandonner les principes fondateurs ? » Et s’ils avaient des réponses communes à mettre en oeuvre ?"

Marcel Caballero Vice-président du CIRIEC-France

(source : Les Brèves du Ciriec)

www.ciriec-france.org

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