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"Une nouvelle forme de mondialisation fondée sur la relocalisation des économies"

10 mai 2010 - Cédric Lefebvre

Pour Emmanuel Antoine, président de Minga, interviewé par l’APEAS, l’élaboration d’une régulation citoyenne de l’économie doit répondre aux enjeux internationaux tel que la souveraineté alimentaire et la préservation de la biodiversité.

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Juin 2009
Le printemps pour une économie équitable a lieu du 21 mars au 21 juin 2009, sur le mot « Sortie de crise : construisons une économie qui nous rassemble ! ». Il est porté par des acteurs aux activités différentes, agriculture bio, coopérative d’activité et d’emploi, production audio-visuelle et label de musique indépendants... Entretiens avec Emmanuel Antoine, président de Minga.

Vous tissez des liens nouveaux avec d’autres partenaires que les traditionnels acteurs du commerce équitable, pourquoi ?
Nous avons toujours considéré que la question d’un commerce équitable est un enjeu de société qui dépasse de loin les acteurs qui s’en réclament.
Lors des travaux de la commission de l’Afnor sur la question d’un label « commerce équitable », Minga s’est opposé à la marchandisation de la garantie tel que le fait Flo-cert (Max Havelaar) ou Ecocert (label AB). Nous considérons qu’on peut avoir des systèmes de contrôle qui ne soient pas uniquement régulés par le marché, mais d’abord par la mobilisation concrète des parties prenantes d’une filière commerciale (clients, fournisseurs, travailleurs). Des liens étroits avec Nature et Progrès existent depuis ces travaux, il nous ont aidé à mûrir notre réflexion sur la question des normes et des garanties.
Tout comme Nature et Progrès, nous œuvrons pour la reconnaissance des système s de garantie participatifs. C’est pour cela qu’à Minga, nous élaborons un Système de garantie d’amélioration participatif (SGAP).

En quoi le projet de Minga converge-t-il avec celui de la Confédération paysanne par exemple ?
Nous sommes proches de la Confédération Paysanne, notamment depuis 2008, lorsque nous avons mené ensemble une pétition intitulée « Pour un commerce équitable partout, changeons la loi » au moment où l’UMP a légiféré sur le commerce équitable en le réduisant aux rapports Nord-Sud.
Pour nous la question prioritaire n’est pas de développer la bio ou le commerce équitable, mais de répondre à des enjeux internationaux comme la souveraineté alimentaire et de la préservation de la biodiversité. C’est sur l’énoncé de ces priorités que nous convergeons avec la confédération paysanne.

Le positionnement de Minga a donc changé ?
Aujourd’hui, le débat sur le commerce équitable est épuisé. Les acteurs du commerce équitable qui privilégient la logique marketing, fut-elle « éthique », « équitable » ou « solidaire » ne veulent pas de débats, ils veulent élargir la « cible » commerciale. Or nous avons toujours considéré que l’optimisation des moyens commerciaux ré-interroge forcément les finalités poursuivies. Réduire la question du commerce équitable à l’achat de produits « logotisés », en grande surface, par la promotion d’une marque, est en contradiction totale avec la nature des engagements des membres de Minga.

"Aujourd’hui, le débat sur le commerce équitable est épuisé"

La crise alimentaire de 2007 a été l’occasion d’une clarification salutaire. À titre d’exemple, quand, lors des émeutes de la faim en Thaïlande, les rizières produisant du riz basmati certifié bio et équitable étaient gardées par l’armée pour les protéger des populations affamées, il y a de quoi s’interroger sur le sens du mot équité. Coincé entre le marketing et un discours militant néo-paternaliste, le commerce équitable était source de confusion.
On a donc réactualisé le positionnement de Minga qui est maintenant « agir ensemble pour une économie équitable ». Cela traduit notre volonté de créer des liens forts avec des univers qui se côtoyaient peu, les commerçants, les paysans, les artisans, les salariés, tout comme l’initie le Collectif du Printemps pour une Economie équitable. Ce n’est pas la peur, ni la compassion qui motive nos engagements, mais bien l’élaboration d’un projet de société porté sur la conquête de droit et des libertés. Nous nous assumons pleinement comme des acteurs Politique tout en étant une organisation professionnelle.

Le commerce équitable n’est donc pas un secteur d’activité mais une démarche ?
Pour Minga le commerce équitable n’a jamais été un objectif mais un moyen parmi d’autres de réinterroger le modèle économique mondial dominant. Pour nous il n’existe pas un mais plusieurs commerces équitables.

Comment décririez-vous l’économie équitable ?
C’est un projet qui vise a élaborer une régulation citoyenne de l’économie là où le rapport capital/travail et l’intervention des États n’y suffisent pas (si tant est qu’il le souhaitent). Une régulation, non pas pour maintenir un ordre social dominant, mais qui participe d’une nouvelle forme de mondialisation fondée sur la relocalisation des économies.
L’économie équitable, c’est une démarche de cohérence entre les objectifs sociaux et écologiques que l’on défend, les moyens commerciaux que l’on choisit et les modes de consommation que l’on adopte. Le commerce équitable nous divise, l’économie équitable nous rassemble.

propos recueillis par Cédric Lefebvre


Emmanuel Antoine est président de Minga, fondateur de Quatre Mâts Développement.

Pour en savoir plus consultez :

L’Appel pour un Printemps pour une économie équitable 2009

Le blog du Printemps

http://www.apeas.fr/Une-nouvelle-fo...

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