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Estimant « que nous sommes dans une époque où le Monde de l’Economie Sociale et Solidaire constitue une véritable perspective d’avenir pour une société meilleure », il s’agissait, pour les organisateurs de créer un nouveau lieu d’échanges et de rencontres entre les différents acteurs. Un espace, hors des contraintes de l’institution, qui puisse contribuer à l’émergence d’une parole de l’économie sociale et solidaire.
Les Rencontres étaient organisées autour d’un salon , auquel une vingtaine d’entreprises mutualistes ou coopératives participaient, et un colloque riche en débats.
Jean Sammut est le président de Procial, et par ailleurs organisateur des débats des RIS
Nord-Social.Info : Quels sont les objectifs de ces premières Rencontres des Innovations Solidaires ?
Jean Sammut : « A travers ces Rencontres des innovations solidaires, il s’agit de créer un lieu de rencontres entre les acteurs politiques et sociaux pour enrichir la réflexion sur l’action de l’économie sociale et solidaire. Une initiative qui intervient à un moment où, il nous semble, à nous organisateurs du salon, que nous sommes dans un moment particulier, où l’économie sociale et solidaire avec ses valeurs rencontre les préoccupations de la société, à un moment où elle peut avoir des choses à dire, une parole pour transformer la société ».
Nord-Social.Info : Thierry Jeantet, un responsable de l’économie sociale et solidaire, Président des Rencontres du Mont-Blanc a écris un livre, il y a quatre ans : « L’Economie sociale, une alternative au capitalisme ». Est-ce dans cet esprit que vous parlez de transformer la société ?
Jean Sammut : « C’est cette idée d’alternative qui passe aujourd’hui par un effort d’expression, de reconnaissance par les intellectuels, par le monde politique. Il y a aujourd’hui besoin d’un nouvel effort doctrinal, d’un renouvellement qui corresponde au moment de la société dans lequel nous nous trouvons ».
Nord-Social.Info :Il existe déjà des lieux de réflexion de ce type : le CEGES, les Etats Généraux de l’économie sociale et solidaire… Comment se situent les Rencontres des innovations solidaires par rapport à l’ensemble de ces initiatives ?
Jean Sammut : « L’idée essentielle est de créer un espace de rencontres qui soit à la fois un lieu intellectuel et un lieu professionnel. Il s’agit de créer un moment où il n’y a a pas dissociation entre les idées, la pensée sur les valeurs et les pratiques professionnelles. Notre conviction, c’est que les pratiques professionnelles doivent porter sur les valeurs, ce qu’elles font en partie, mais en même temps, elles sont prises dans un environnement managérial qui les banalise.
L’idée c’est de montrer que nous sommes à la fois capable de réfléchir ensemble à un très haut niveau avec les meilleurs intellectuels et, capables, en même temps que notre pratique au sein de l’économie sociale et solidaire et cohérente avec notre réflexion ».
Nord-Social.Info : En quelque sorte, en tout cas sur un point, partir à la chasse du virus néo-libéral dans l’économie sociale et solidaire ?
Jean Sammut : « Exactement. Il y a un management à réinventer, à revendiquer dans l’économie sociale qui n’est pas celui du management libéral L’activité du reporting est devenue une activité quasi permanente dans toutes les entreprises. Elle est certes nécessaire, mais, on ne peut pas la regarder sans avoir conscience qu’elle réduit considérablement la mise n œuvre de nos valeurs. Donc, il y a de véritables efforts à faire ».
Nord-Social.Info : Que veut dire un management différent ? Cela n’existe-t-il pas déjà dans les coopératives ?
Jean Sammut : « Coopératives, mutuelles, associations, fondations, institutions de l’économie sociale, chambres de l’économie sociale et solidaire, nous sommes tous porteurs de dizaines d’expérimentations, de réalisations tout à fait intéressantes. Mais comment passe-t-on à la cristallisation de ces expériences pour proposer un véritable projet qui au bout du compte a quelque chose à voir avec la politique ?
Nous avons tous l’impression de faire de la politique avec nos valeurs, nos réalisations, avec ce que nous transformons, mais faisons-nous vraiment collectivement de la politique. Aujourd’hui, nous sommes porteurs d’un projet politique qui s’exprime sous de nouvelles formes. Il ne s’agit pas de créer un parti, mais nous sommes porteurs d’un projet qui correspond à la période et aux besoins de la population. »
Nord-Social.Info : Dans cette perspective, quel peut être le rôle des Etats Généraux de l’Economie Sociale et Solidaire aujourd’hui en préparation ?
Jean Sammut : « Les Etats Généraux sont une très belle idée et un grand moment. C’est l’occasion de faire un état des lieux et de rassembler. Le travail réalisé par le Labo de l’économie sociale et solidaire, et les 50 propositions avancées sont remarquables. Maintenant, la question qui se pose c’est de savoir si ces travaux, ceux menés par les Etats Généraux de l’économie sociale et solidaire, ceux menés par le CEGES, les nôtres aussi, nous les faisons pour nous-mêmes, pour accroître la coordination et la réflexion entre nous, où si nous avons la capacité à partir de ces réflexions et de nos actions à parler à toute la société et de lui faire des propositions ? »
Nord-Social.Info : comment s’adresser à la société au-delà de colloque ou de séminaire ? Dans une réunion, à Lille, Jean Gadrey expliquait qu’il attendait le jour où l’économie sociale et solidaire manifesterait pour faire valoir son point de vue.
Jean Sammut : « Comment un mouvement d’opinion, comment un ensemble de pratiques devient un mouvement social à un moment donné ? Je n’en sais rien. Mais, on constate que l’histoire est pleine d’opportunités.
Il est clair que nous sommes à un moment de la société où les crises qui s’enchevêtrent appellent une réponse. Il apparaît de plus en plus que l’économie sociale et solidaire en est une. Est-ce que cela passera par un grand mouvement, par des colloques et des discussions, par des « think tank », une personnalité qui incarnera cette idée, je n’en sais rien. Probablement un peu de tout cela. »
Nord-Social.Info : que pensez-vous du fait que l’ONU ait déclaré 2012, année internationale des coopératives ?
Jean Sammut : C’est une bonne idée. Je crois que cela correspond à la période. Même les acteurs du néolibéralisme, qui sont contraints également par l’environnement, voient dans la coopération et l’économie sociale des solutions à certains problèmes. C’est positif. C’est avec cette réalité que nous devons travailler. Maintenant, est-ce que l’économie sociale sera au service du renouvellement du capital, où est-ce qu’elle sera l’amorce d’une autre société, c’est la question. »
