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Expertise non patronale CHSCT - Lettre de Solidaires aux experts CHSCT

25 février 2012

L’Union syndicale Sud-Solidaires prend une position ferme sur les nouvelles procédure d’ agréments.

Mots clés

"Mesdames, Mesdemoiselles, messieurs, chèr-e- s ami-e-s

A travers les travaux de sa Commission Santé et Conditions de travail, l’Union Syndicale Solidaires a été amenée à formuler un certain nombre d’attentes en termes d’expertise CHSCT. Nous avons décidé de les communiquer à l’ensemble de la profession des experts CHSCT. Il ne s’agit pas pour nous de présenter ces exigences de manière définitive. Mais à partir de celles-ci nous souhaitons susciter un débat avec l’ensemble de la profession, ainsi qu’avec les autres organisations syndicales.

Les réponses ou les critiques écrites que vous voudrez bien apporter à ce texte nous paraissent particulièrement nécessaires après plusieurs événements qui ont semé le trouble dans la profession comme dans les équipes syndicales et nous semblent incompatibles avec l’idée que nous nous faisons du recours à l’expertise agrée CHSCT :
- Création de la FIRPS qui a donné lieu à notre « Carton rouge à la FIRPS ».
- Arrêté du 23 décembre 2011 portant agrément CHSCT et introduisant de nouveaux cabinets en lien avec le patronat, deux d’entre eux étant à l’origine de la FIRPS.

Introduction

Lorsque les élus d’un CHSCT sont amenés à recourir à une expertise (L. 4614-16), au-delà des motifs qui le justifient, les militants sont confrontés à la question : à quel expert faire appel ? Selon nous, les élus qui font appel à expertise sont en droit d’attendre :
1. Une expertise sans concession vis-à-vis des employeurs et des considérations économiques.
2. Une expertise co-construite avec le CHSCT commanditaire de l’expertise.
3. Une expertise à même de susciter un espace de délibération sur le travail réel.

I - Une expertise sans concession vis-à-vis des employeurs et des considérations économiques

La qualité de l’éclairage que les élus au CHSCT sont en droit d’attendre dépend en grande partie de l’indépendance de l’expertise vis-à-vis des pressions portant sur les considérations économiques, ou de production : l’expertise ne saurait être a priori orientée par quelque considération que ce soit tendant à anticiper les résultats de l’enquête santé au travail. C’est l’employeur qui, en tant que décideur de la politique de sécurité dans l’entreprise et après l’expertise, prendra la responsabilité de tirer ou non parti des enseignements de l’expertise.
C’est pourquoi nous sommes en désaccord avec le discours de nombre de consultants reprenant à leur compte le parallèle souvent établi entre la bonne santé au travail et la « santé économique » de l’entreprise.
Au contraire, dans le contexte actuel où les liens entre les techniques managériales d’individualisation du travail (évaluation individuelle des performances, primes au mérite, entretiens de progrès ou de « coaching » etc.) et les nouvelles pathologies du travail ont été largement démontrés, cette indépendance de l’expert vis-à-vis des considérations économiques revêt à nos yeux une importance capitale. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur les cabinets qui un jour travaillent pour les CHSCT, et le lendemain répondent à des demandes émanant des employeurs. Nous estimons que l’expert CHSCT doit être au service exclusif de la santé des salariés, au même titre que le code du travail le prévoit pour le médecin du travail. 144 boulevard de La Villette 75019 Paris Téléphone : (33) 1 58 39 30 20 Télécopie : (33) 1 43 67 62 14 contact@solidaires.org - www.solidaires.org

II- Une expertise co-construite par le CHSCT commanditaire de l’expertise

En tant que commanditaires de l’expertise (au regard des dispositions réglementaires), il nous semble que les élus au CHSCT doivent être partie prenante dans l’élaboration de l’expertise sur les points suivants :
- détermination des situations de travail à analyser
- détermination des conditions de restitution : au CHSCT, aux élus et aux salariés
- détermination des modalités de suivi de l’expertise.
Dans tous les cas, une restitution réservée à l’employeur ne saurait avoir lieu sans l’aval du CHSCT.

III- Une expertise à même de susciter un espace de délibération sur le travail réel

Ces dernières années, les expertises visaient surtout à établir la preuve dans l’entreprise de nouvelles pathologies du travail. A travers des questionnaires ou des entretiens individuels ou collectifs, il s’agissait de « démontrer » la réalité et le niveau de ces nouveaux risques, notamment face au déni de la souffrance au travail (cf. l’expression « cette mode des suicides » utilisée par Didier Lombard, PDG de France Télécom, le 15/09/2009).
Si ce travail à caractère « démonstratif » - visant des données « objectives » ou prétendues telles - peut être encore parfois nécessaire, l’expérience nous montre qu’il reste insuffisant dans tous les cas pour le rétablissement effectif de la santé des salariés.
En ce sens, il nous semble aujourd’hui primordial que l’intervention soit fondée sur une méthodologie à même de donner collectivement aux travailleurs et à leurs représentants la capacité de revendiquer un nouveau rapport au travail.

Pour nous aider à faire comprendre ce point essentiel selon nous - et à titre d’exemple non exhaustif de la profession, ni encore moins exclusif - nous prendrons cet extrait de la « méthodologie en psychopathologie du travail » de Christophe Dejours : « La justesse de l’interprétation ne renvoie pas à l’objectivité d’une souffrance ou à l’objectivité d’une réalité, cause de souffrance. Elle renvoie plutôt à la vérité d’un rapport des travailleurs à leur travail et d’un rapport au collectif de travail ».
Ce point renvoie pour partie au point 2 ci-dessus, en particulier à la question de la forme de l’expertise dans sa restitution aux salariés.
Nous concevons que ces trois points soulèvent des considérations plus complexes qu’ils ne le laissent paraître. Mais nous avons voulu les formuler de manière suffisamment concise et (nous l’espérons) claire, pour vous laisser répondre de manière précise à chacun d’eux.
Nous restons bien sûr ouverts à toute demande de précision ou de rencontre avec vous sur ces sujets. Nous attendons de votre part des réponses et critiques écrites sur ces sujets et sur ceux qu’il vous semblerait utile d’aborder, nous les porterons ensuite à la connaissance de nos équipes syndicales.

Enfin, mais là nous n’attendons pas de réponse de votre part, l’Union syndicale Solidaires est et restera particulièrement attentive aux conditions de travail des salariés, y compris dans les cabinets d’expertise CHSCT. Solidairement

Eric Beynel Porte-parole de Solidaires eric.beynel@solidaires.org

www.solidaires.org

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