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« Convaincre l’opinion et faire basculer l’histoire »

17 novembre 2010 - Jean-Paul Biolluz

« L’économie sociale et solidaire est attendue par nos concitoyens. Ce n’était pas vrai il y a 10 ans ». Cette déclaration d’Hugues Sibille, vice-président du Crédit Coopératif, à l’ouverture des Etats Généraux de l’Economie sociale et solidaire, souligne, un sentiment largement partagé par les acteurs : une époque nouvelle s’ouvre . Et il y a urgence. La crise est passée par là, et avec elle la mise en cause du modèle économique et social dominant.

Réunis dans les locaux du Conseil Régional d’Ile-de-France, 250 acteurs et responsables du secteur ont participé, ce lundi 11 octobre, au lancement des Etats Généraux de l’économie sociale et solidaire. Un processus participatif et coopératif appelé à durer plusieurs mois. Il se conclura par une grande manifestation, à Paris, au mois de juin 2011.

La mission affichée de ces Etats Généraux, « c’est de passer d’une multitude d’initiatives sur les territoires et les régions françaises, à un mouvement à la fois visible et capable de prendre la parole et de peser sur les enjeux de société. » Le défi à relever est de faire de l’économie sociale et solidaire « qui est une puissance économique, un laboratoire social, mais un nain politique », une force d’intervention et de transformation sociale afin « qu’elle affirme un vrai pouvoir national. »

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire connaissent bien les démons qui les minent. Une trop grande fragmentation, qui ne permet pas à l’ensemble des réalisations menées sur les territoires d’apparaître clairement comme une alternative à l’ensemble des Français, pas plus qu’elle ne favorise la mise en mouvement de ses acteurs.

« Une diversité qui est une richesse, à condition qu’elle ne se transforme pas en une multitude d’organisations sans cohérence, » a mis en garde Jean Le Garrec, élu PS au conseil régional d’Ile-de-France, qui participait à cette réunion, comme d’autres élus, principalement de plusieurs conseils régionaux. Une participation qui souligne l’intérêt grandissant de certains élus pour les activités économiques et sociales du monde des coopératives, des mutuelles, et des associations.

La coopération est une force

Un constat unanimement partagé, et c’est bien au tricotage national de cette richesse qu’entendent s’atteler les Etats Généraux de l’économie sociale et solidaire au travers, est-il affirmé « du développement d’une culture de la coopération ». Celle-ci vaut aussi bien pour les territoires, au niveau des régions, ou il s’agit de mobiliser les acteurs locaux et de cordonner les expériences existantes, qu’au niveau national, où il s’agit pour les Etats Généraux de proposer, échanges, dialogue, mise en commun, mutualisation et fédération des efforts et des moyens et non pas la création d’une nouvelle organisation susceptible de se superposer à celles déjà en activité.

« Les Etats Généraux, souligne Jean-Louis Cabrespines, le président du Conseil national des chambres de l’économie sociale, doivent être considérés comme une valeur ajoutée qui n’est pas la somme des actions locales. »

« La coopération est une force. Elle doit permettre de nous consolider pour proposer un autre modèle » expose Laurent Fraisse, l’un des animateurs du Labo de l’ESS, à l’origine de l’Appel à des Etats Généraux lancé au mois de juin dernier avec 12 responsables de grandes structures de l’économie sociale et solidaire. Claude Alphandéry, qui présidait cette réunion étant le maître d ‘œuvre de cette initiative.

Etablir de nouvelles frontières

Le président d’honneur de France Active s’interroge sur la manière « de faire basculer l’histoire. A travers une autre manière de travailler, de produire, de partager, de consommer, de vivre en société, l’économie sociale et solidaire, souligne-t-il, doit établir de nouvelles frontières susceptibles de faire passer l’opinion du doute et de l’expectative actuelle à une adhésion au mouvement de transformation sociale que représente l’économie sociale et solidaire. »

Anne Tournel de l’APEAS appelle « la constitution d’une force autour du creuset de valeurs qui rassemblent les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Cette force doit être en capacité de faire comprendre à l’ensemble de la population ce que nous faisons ».

Les réalités et expériences de l’économie sociale et solidaire sont riches, nombreuses et singulières. C’est du terrain, de ces réalisations, s’accordèrent les participants à cette première réunion des Etats Généraux, qu’il faut partir pour faire la démonstration de ses capacités.

« Il y a une bataille des idées à mener » est-il aussi affirmé, dans une période somme toute favorable, avec un regard critique des citoyens sur le monde actuel et la manière dont il fonctionne et un regard neuf sur le monde de l’économie sociale et solidaire.

Un moment stratégique

Bernard Maris, universitaire, chroniqueur à France Inter engage « les acteurs de l’économie sociale et solidaire à renverser les choses. Car, déclare-t-il, devant les 250 participants à cette assemblée, l’économie sociale et solidaire est celle qui voit les choses que l’économie capitaliste ou l’économie d’Etat ne voient pas ou ne veulent pas voir. »

« C’est vous les entrepreneurs d’avenir, estime le chroniqueur de France Inter. Les entrepreneurs ringards, ajoute-t-il, ce sont les autres. La richesse, c’est créer du lien social, de la fraternité. Et ça, c’est l’économie sociale et solidaire qui le fait. La richesse à créer, c’est celle-ci. Celle à détruire, c’est l’autre ».

Parmi les participants et acteurs rassemblés dans l’hémicycle du conseil régional d’Ile-de-France, le sentiment qu’avec les Etats Généraux s’ouvre une nouvelle étape était largement partagé.

Christiane Bouchart, élue à la mairie de Lille, présidente nationale du Réseau des Territoires de l’économie solidaire regroupant une soixantaine de collectivités engagées sur ce terrain est persuadée « que l’économie sociale et solidaire se trouve dans un moment stratégique. Car, explique-t-elle, de plus en plus de personnes s’engagent dans ce secteur porteur de liens sociaux. Car de plus en plus d’élus prennent en compte cette économie de la solidarité et de l’innovation économique et sociale. Car il est désormais possible, estime-t-elle, d’envisager des alliances avec les syndicats, les ONG, des artisans, des commerçants. »

« L’un des enjeux des Etats Généraux, affirma la présidente du RTES, c’est de dépasser les réussites locales pour acquérir un vrai pouvoir national. »

« Pour susciter un peu d’espérance dans une situation de doute, » déclare l’un des participants.

(à suivre…)

Jean-Paul BIOLLUZ

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