Rencontres Sociales

Actualités

Réseau "Stop Stress Management"

30 juin 2011

Nous publions ici une information sur un nouveau réseau agissant sur les problématiques du stress et du management.
Rappelons que RS et la Mutuelle Chorum organiseront, avec le LEST et la Cress Rhône Alpes, au 4ème trimestre 2011 et au 1er trimestre 2012 deux journées sur "la qualité de l’emploi en ESS".

Mots clés

Réseau STOP STRESS MANAGEMENT

compte-rendu de la réunion du 30 mai

Présents : 20 personnes, syndicalistes, chercheurs, étudiants, salariés et chômeurs.
Représentés : ATTAC, CFE-CGC, CNDF, IRES, SUD-PTT (Observatoire du Stress), SUD Natixis, CNT Culture Spectacle, Université Paris 7, Stop Précarité...

1. Nouveaux venus

Nous accueillons avec plaisir des camarades de France Télécom et de l’Observatoire du Stress, Patrick Ackermann (SUD-PTT) et Jean Pachet (CFE-CGC), des psychologues du travail (Catherine Castillon et Alix Niel, Josiane Pinto de Paris 7), des médecins du travail (Etienne Lecomte de l’IRES), des journalistes.

2. Introduction par Christian Celdran

Une des tâches du réseau sera de permettre de comprendre le problème systémique du harcèlement, du stress, créés par les nouvelles méthodes de management. Ces méthodes, orientées vers des suppressions d’effectifs et des restructuration des entreprises, créent une destruction systématique des personnes au travers de la destruction des collectifs de travail (mobilités forcées et incessantes), et donc des capacités de résistance collective. Il s’agit bien de maltraitance et de violence systémique. Nous avons ainsi trois axes de travail :  OBSERVER et INFORMER, faire un état des lieux, mettre le projecteur sur ces pratiques  AGIR, et notamment dénoncer et attaquer les firmes responsables de ces atteintes  RASSEMBLER, faire converger les différentes initiatives, créer une liste de liens vers des sites, et de personnes ressources  3. Suicides et France-Télécom

3 Un APPEL a été lancé dans Libération fin mai, notamment avec la signature de Vincent de Gaulejac, pour créer un Observatoire du suicide.

Réactions de Patrick Ackermann (SUD-PTT, Observatoire du Stress) : En effet, les données manquent. France-Télécom avec SUD a initié la démarche de recueil de données : Il y a ainsi 30 suicides pour 5 000 salariés par an à France Télécom contre 18 pour 10 000 en moyenne nationale ! C’est un phénomène nouveau,apparu à partir des années 90 en milieu professionnel. Or, les syndicats ne sont pas formés à cette question ; ils n’ont pas vu venir l’éclatement des collectifs de travail et des possibilités d’action syndicale. Il y a nécessité de faire de la formation syndicale, notamment pour les élus aux CHSCT, afin de mieux connaître les outils juridiques. Les syndicats sont en train d’évoluer ; Les concepts juridiques et la jurisprudence aussi, avec le concept de mise en danger de la vie d’autrui, voire d’homicide involontaire, et avec une personnalisation des procès (non plus mise en cause de l’entreprise, mais de tels dirigenats nominativement). A France-Télécom, SUD a porté plainte après un long travail avec l’inspection du travail, sur la base d’expertises des CHSCT, pointant les entraves à leur fonctionnement. L’Inspection du travail a ainsi qualifié les pratiques en vigueur de « harcèlement moral institutionnel » et de « mise en danger de la vie d’autrui ». Outre France-Télécom, trois dirigeants ont été cités à comparaître nommément. Nous nous sommes constitués en partie civile, constatant que dans les procès pour harcèlement moral et suite à des suicides, la plupart des rapports produits par l’inspection du travail sont classés sans suite. Après notre plainte, tous les syndicats de France-Télécom nous ont rejoints et ont ainsi accès au dossier. Jusqu’ici, le Procureur n’a retenu que le harcèlement moral institutionnel, mais le juge peut toujours requalifier en mise en danger de la vie d’autrui. Parallèlement, la récente condamnation de Renault suite à deux suicides constitue une grande avancée, avec précisément la reconnaissance de la mise en danger de la vie d’autrui. Plus largement, Patrick Ackermann souligne que le suicide est devenu un phénomène de société, il frappe les jeunes sans emploi, les chômeurs, les plus de 50 ans qui ne retrouvent pas de travail, et il questionne la place du travail, qui comme le souligne Danièle Linhart, n’a jamais été aussi importante dans nos vies. Or, en milieu de travail, les salariés ne sont pas que des victimes. Ils doivent aussi être acteurs, et capables de modifier les conditions dans lesquelles ils travaillent, de poser la question de leur pouvoir sur le travail. Il faut aussi interpeller la société civile, l’opinion publique, d’une part sur les suicides dus au stress en entreprise, qui constituent un scandale, mais aussi sur cette violence sociale en France, qui frappe toutes les catégories populaires, et sur la perte de débouchés collectifs. Enfin, avant toute action médiatique sur la question, il faut travailler avec les associations de familles de suicidés et d’assistance aux victimes, qui construisent des actions juridiques, des dossiers.

4. Nouvelle entreprise et crise du travail

Plusieurs éléments sont, avec le développement et la domination d’entreprises multinationales à la recherche du profit financier maximum et d’une intensification du travail sans précédent (rappelons que la France détient un record mondial en matière de productivité horaire du travail), à la source de l’explosion du stress, et des tentatives de suicide. (Cf. là-dessus, Michel Husson « Un pur capitalisme », et Hansen Jappe, « Crédit à mort ») Pour résister, on le voit avec des exemples comme l’Observatoire du Stress et les procès à France-Télécom et Renault, il y a la voie de la judiciarisation. Il y a aussi celle de l’interpellation de l’opinion : le salarié reste-t-il un citoyen, bénéficiant des droits de l’homme et de son « habeas corpus », ou bien l’entreprise a-t-elle pouvoir de vie et de mort sur lui dans une dérive de type fascisante ? Il faudra ainsi développer des campagnes médiatiques pour dénoncer publiquement les firmes délictueuses.
Odile pointe que la crise du travail a commencé dans l’industrie, et s’est traduite par l’éviction des OS qui se rebellaient dans les années 70, puis elle s’est étendue aux autres secteurs de l’économie, et l’intensification du travail les a à leur tour touchés. Aujourd’hui, le salarié est considéré comme devant vivre pour son travail, devant s’y surinvestir, accepter toute mobilité géographique et que ses liens sociaux dans l’entreprise soient de multiples fois coupés. Il y a là un processus d’invalidation de masse.
Au terme de son enquête sur les luttes des salariés contre les plans sociaux (Cf. Evelyne Perrin « Haute tension », consultable sur le site de l’IRESMO), Evelyne souligne à quel point ces nouvelles méthodes de management sont partie intégrante des stratégies des firmes financiarisées pour faciliter restructurations et suppressions d’effectifs, préludant le plus souvent aux délocalisations, tant dans le secteur privé que dans le public. Cela s’accompagne d’une raréfaction de l’emploi disponible pour les jeunes, même les plus diplômés, de la généralisation par ce type de capitalisme d’un contrôle biopolitique sur tous accompagné de l’exigence de soumission absolue des subjectivités. Il y a bien là les ingrédients d’une véritable « crise de civilisation ».
Patrick Ackermann poursuit en évoquent des méthodes systématiques d’insécurisation professionnelle. La nouvelle entreprise se caractérise par l’éclatement et la sous-traitance. Le développement des nouvelles technologies permet la multi-surveillance. Cela entraîne chosification, dépersonnalisation, perte de sens du travail et perte de son métier. (Cf. journée organisée le 4 décembre 2010 à Paris sur « l’amour du métier » par l’Appel des Appels) Il s’agit bien de parvenir à une servitude, et à un quasi esclavage, à un contrôle des cerveaux (Cf. Frédéric Lordon, « Désir, capitalisme, servitude », sur la servitude volontaire et l’application des méthodes tueuses tout au long de la pyramide hiérarchique, chacun étant à la fois dominé et dominant, harcelé et harcelant) Christian Celdran (qui est co-responsable à ATTAC d’un groupe de travail sur la santé et notamment la santé au travail) évoque la possibilité d’utiliser la technique des lanceurs d’alerte pour dénoncer les atteintes à la santé des travailleurs, et cite le travail fait par Transparence Internationale. A cet égard, une collaboration est engagée avec le groupe de travail créé par ATTAC sur la crise du travail et qu’animent Thomas Coutrot et Julien Lusson, tous deux invités dans le réseau.

5. Ateliers de parole

Trois étudiants en master de sociologie clinique du travail avec Vincent de Gaulejac , Benjamin, Julia et Valentine, proposent de mettre en place avec des salariés qui le souhaiteraient des ateliers de parole où ils trouveraient le soutien de cliniciens et psychologues du travail, et qui pourraient déboucher entre autres sur des chroniques de travail. Il s’agit de donner la parole aux salariés, et de leur permettre de mettre des mots sur leur souffrance au travail.
Ces doctorants proposent, ainsi que Alix et Catherine, psychologues du travail, de s’appuyer sur l’approche d’Yves Clot, ainsi que de Marie Pezé – tous deux à inviter à participer au réseau - . L’objectif est de développer l’autonomie des salariés sur leur poste de travail, la reconnaissance de leur travail, et leur pouvoir d’agir. Cela suppose de s’appuyer à la fois un travail individuel de reconstruction et un travail collectif de résistance et d’action.

6. Colloque

Nous avions envisagé au lancement du réseau d’organiser en septembre-octobre 2011 une Journée d’études avec notamment la participation de médecins et inspecteurs du travail – avec qui il faut rapidement renforcer nos liens, appel à tous pour cela ! Rappelons que la médecine du travail est gravement menacée dans son indépendance, que les médecins du travail, tout comme les psycho-sociologues du travail, se font eux-mêmes harceler et licencier dès qu’ils font leur travail jusqu’au bout. Quant aux inspecteurs du travail, ils sont aussi soumis à des pressions et des injonctions visant à les embrigader dans des politiques répressives notamment à l’égard des étrangers en attente de papiers.
Or, il existe différentes initiatives complémentaires en la matière :
- notre initiative
- celle du groupe de travail d’ATTAC sur la crise du travail
- un projet de colloque de la Fondation Copernic (qui a également beaucoup travaillé la question de la souffrance au travail, ainsi d’ailleurs que Solidaires avec le réseau créé par Eric Beynel et des militants syndicalistes)
- Enfin, ATTAC veut monter un Colloque en septembre-octobre sur ce sujet.
Toutes ces initiatives complémentaires devraient dans l’idéal converger et s’articuler les unes avec les autres afin d’atteindre une masse critique unitaire.
Conclusion : Prendre des contacts dans cet objectif.

7. Propositions de travail

- 1. il est proposé de rédiger un guide de premier secours à l’intention des salariés, leur indiquant comment repérer les premiers signes avant-coureurs d’un « burn-out » ou d’une dépression. Jean-Yves propose d’y travailler avec d’autres.
- 2. Il avait aussi été proposé de rédiger, avec le concours de DRH volontaires, un guide du parfait petit manager, pour expliciter les méthodes très élaborées auxquelles sont formés DRH et salariés pour harceler, casser, faire démissionner ou craquer les salariés lambda.
- 3. Préparer unitairement ou en lien avec les structures associatives et syndicales qui en ont le projet un Colloque commun à la rentrée.
- 4. Mettre en place de façon si possible unitaire, inter-orgas, un site et un suivi de la jurisprudence et de l’évolution législative et réglementaire. En effet, la bataille du droit est essentielle.
- 5. Rédiger de la même façon une proposition de loi. Se brancher sur l’OIT et travailler à une mise à niveau européenne et internationale du droit.
- 6. Travailler en lien avec les associations de victimes et de familles de victimes, en vue d’actions médiatiques en direction de l’opinion publique.
- 7. Mettre en place, de façon si possible inter-syndicale et inter-associative, un Observatoire statistique du suicide inattaquable.
- 8. Développer campagne, luttes et argumentaire sur les notions d’amour du métier (en collaboration avec l’Appel des Appels), de bonheur au travail, de reprise de pouvoir (Cf. propositions d’Evelyne et aussi de Frédéric Lordon et d’autres sur cette question trop passée sous silence, mais qui travaille l’inconscient des salariés, et s’exprime chez nombre de jeunes par une fuite du travail salarié assujetti)

9. Bibliographie

Marie GRENIER-PEZÉ : « Travailler à armes égales » avec Nicolas SANDRET et Rachel SAADA
Vincent de GAULEJAC : « Travail, les raisons de la colère », Seuil 2011
Dominique LHUILIER, Florence GINOT-DESPRAIRIES, Malika LITIM : « Risques psychosociaux, une nouvelle catégorie sociale » in Revue de psychosociologie, N° 10, hiver 2010, Erès
Frédéric LORDON : « Désir, capitalisme, servitude »
Voir aussi les travaux de Yves CLOT, Danièle LINHART...

Contact :evelyne.perrin6@wanadoo.fr

Dans la même rubrique

Sur le web (fils RSS et sites associés)

Livres et publications

Tous les articles de la rubrique

Creative Commons License Sauf mention contraire, le contenu de cette page est sous contrat Creative Commons
Ce site est réalisé avec logo spip logiciel sous licence GNU/GPL - Contact - Plan du site - Rédaction