Rencontres Sociales

Tribune

"Triple A ou triple peine ? Dans quelle société vivons-nous ?"

20 février 2012 - Alain Arnaud

Aujourd’hui, les médias alternent entre les reportages sur le désespoir des salariés victimes de licenciement par délocalisation, le sauvetage de l’euro, les SDF, les Restos du Coeur et les publicités détournées sur un mode humoristique grinçant où l’on voit un personnage en agresser un autre pour lui arracher un aérosol afin de soigner son angine, ou encore un cadeau de noël qui contient une boîte de médicament, dans une ambiance musique et décor de parfum de luxe, car oui « la santé est un luxe » !

Ces reportages et parodies publicitaires révèlent l’inquiétude générale sur la crise de la protection sociale. Au nom du triple A, accordé ou refusé selon le bon vouloir d’agences de notation, dont le grand public ignore largement qui les compose et qui les contrôle, les plans d’austérité et de rigueur tombent sur nos concitoyens ainsi que sur les citoyens grecs, italiens, espagnols, portugais. On a même vu, début décembre, la ministre des Affaires sociales italienne annoncer effondrée le plan de restriction infligé à ses concitoyens.

Dans notre pays, les gouvernants en appellent au sens civique des Français, à leur capacité d’efforts et de travail. Oublient-ils que l’emploi fait cruellement défaut empêchant de plus en plus de nos concitoyens et notamment les plus jeunes, d’accéder au monde du travail, au logement, à des conditions de vie décentes ? Que les suppressions de postes dans la fonction publique handicapent fortement la bonne marche des services publics, de l’éducation, de l’hôpital, de la police, de la justice ? La chasse aux fraudeurs de l’assurance maladie, qui a resurgi, a un goût amer, à l’aune de la fraude aux cotisations sociales de certains employeurs, à l’évitement fiscal des plus fortunés, à l’existence des paradis fiscaux toujours autorisés, à la spéculation financière ni taxée ni régulée.

En imposant un jour de carence aux fonctionnaires en cas d’arrêt maladie, l’Etat employeur vient de réaliser une belle économie mais sur le dos de ses agents, privés de dispositif de prévoyance adéquat. L’indexation des prestations sociales sur la croissance – prévue à niveau peau de chagrin pour les mois et même les années à venir – revient à faire supporter aux catégories le plus en difficulté les conséquences d’une gestion dont ils ne sont pas responsables.

Triple peine si l’on ajoute les taxes sur les mutuelles passées à 7%, d’autant qu’en 2011 les nouveaux transferts de charges de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires ne se sont pas taris.
La même logique préside en France et en Union européenne : réduire les dépenses et refuser d’augmenter les recettes. Il est bien temps de se soucier du déficit budgétaire, après avoir mené des politiques répétées d’allègements d’impôts pour certains et d’empilement de niches fiscales pour d’autres.

Mais les plans d’austérité qui se succèdent présentent, au moins, deux risques majeurs : l’aggravation de la crise et la récession, au sens où le moteur de la croissance s’éteint par épuisement de carburant, et une régression sociale sans précédent mettant en péril la société dans son ensemble.

Au nom de la loi des marchés financiers, la perte du triple A a déclaré la guerre à la souveraineté des Etats et à la démocratie populaire, et tant pis pour les dégâts collatéraux sur les plus démunis...

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