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L’économie sociale et solidaire : un mouvement qui porte un projet de société

17 mai 2010 - Alain Goguey

Au mois de novembre dernier, le Labo de l’ESS avait mis en ligne un sondage sur l’identité et l’avenir de l’ESS.
Près de 700 personnes ont participé à ce sondage dont les résultats ont été rendus publics sur le site de Labo. Et il ressort de cette enquête qu’une majorité de ceux qui ont répondu perçoivent bien l’économie sociale et solidaire à la fois comme un mouvement et un réseau, qui porte un projet de société et au sein duquel commence à germer une sorte de sentiment identitaire.

Voir l’article : « Le Labo-ess.org met en débat 50 propositions jusqu’au 31 décembre »

La réponse à la première question (Diriez vous de l’ESS qu’elle est d’abord et avant tout…) donne « une » première indication.
- L’ESS est perçue comme étant un projet de société (55%) et une autre manière d’entreprendre (27 %). La question était fermée (quatre types de réponses possibles). Sans doute faut-il y voir là l’empreinte de ceux qui sont déjà sensibilisés à l’économie sociale et qui ont dont répondu à ce sondage.

La leçon n’en est pas moins intéressante. L’économie sociale et solidaire est ainsi définie par la façon dont elle est perçue (84 % en tout) plus que par sa finalité et son utilité sociale.

A l’intérieur du réseau de l’ESS, il y a là en germe une perception commune d’une identité forte (puisque cet autre projet de société et cette autre manière d’entreprendre représentent 84 % des réponses). Et on se situe nettement dans la volonté de construire un autre projet de société avec un autre projet développement et des finalités autres pour l’économie.

Une approche plurielle

C’est confirmé par les réponses à la question qui suit (Pour vous, l’appartenance à l’ESS se démontre d’abord par…). Par des pratiques conformes à un faisceau de critères répondent majoritairement les personnes fait le choix de répondre. Entre l’entrée par les statuts et l’entrée par la finalité et l’utilité sociale, ceux qui ont répondu ne tranchent pas puisqu’ils semblent préférer une approche mixte, fondée sur plusieurs critères (67 %).

Les autres propositions sont donc fortement minoritaires :
- 15 % seulement des réponses privilégient la référence à un statut
- 14 % le fait de s’y reconnaître et de s’en réclamer
- et 4 % l’appartenance à un réseau reconnu de l’ESS.

Les réponses à la question suivante (De votre point de vue, qu’est-ce qui caractérise le mieux une initiative de l’ESS...) sont d’ailleurs plurielles et très partagées :
- son utilité sociale (42 % des réponses)
- son modèle économique plurielle (24 %)
- sa gouvernance démocratique répondent 18 % des personnes qui ont répondu
- sa lucrativité nulle ou limitée (9 % des réponses)
- son ancrage territorial (7 %).

S’appuyer sur l’économie et les citoyens

Pour changer d’échelle (questions 4 et 5, l’économie sociale et solidaire doit en priorité développer les coopérations économiques entre ses acteurs et faire système (45 % des réponses). Les liens entre les différents acteurs de l’ESS sont, malgré les tensions internes et les ego de chapelles, avant tout institutionnels ou formels (à l’intérieur de réseaux ou dans le cadre de relations avec d’autres partenaires) mais ces liens n’ont que très peu une dimension économique. C’est ce manque et cette nécessité que soulignent les personnes qui ont répondu au sondage.

De même les responsables et les acteurs de l’économie sociale et solidaire soulignent bien souvent que le secteur manque de visibilité auprès du grand public et qu’il fonctionne un peu en circuit fermé ou du moins peu ouvert sur l’extérieur. D’où le fait que 48 % des personnes ayant répondu estiment que pour changer d’échelle, l’ESS doit d’abord et avant tout chercher à s’appuyer sur les citoyens et sur la société civile.

Développer le sentiment d’appartenance (16 %) n’est donc pas une priorité (ce qui n’est pas surprenant puisque ceux qui ont répondu sont sans doute déjà conscients d’appartenir à ce vaste mouvement de l’ESS). De même que le fait d’améliorer ses pratiques et de se renouveler (12 %). Un quart (27 %) estiment à l’inverse, qu’il faut que l’ESS rende mieux compte de ses spécificités et de son utilité sociale, dont on perçoit en creux qu’elles ne sont pas suffisamment connues. D’où la nécessité également d’établir un partenariat fort et durable avec les collectivités durables (29 %).

A contrario, comme la confiance vis-à-vis de l’Etat est sérieusement érodée : 6 % des réponses seulement évoquent la nécessité d’établir un partenariat fort et durable avec l’Etat (comme si l’on n’y croyait plus). A noter que le taux est le même pour ce qui est d’établir un partenariat avec des entreprises classiques. Lucides sur la relative faiblesse du secteur, 11 % des réponses suggèrent à l’ESS de ne compter que sur ses propres forces.

Sortir de l’entre-soi

On retrouve cette volonté de l’ESS de sortir de son pré carré dans les réponses à la question suivante (Pour vous, la priorité des élus locaux pour développer l’ESS doit être de…). Plus des quatre-cinquièmes des personnes qui ont répondu disent que cette priorité des élus locaux doit être de :
- Inscrire l’ESS dans l’ensemble des politiques de la collectivité (50 %)
- Et de faire évoluer les politiques de droit commun en s’inspirant des valeurs et des bonnes pratiques de l’ESS (34 %).

A noter qu’ils ne sont que 5 % à dire qu’il faut consolider et développer les politiques spécifiques de l’ESS.

De ce point de vue on retrouve une certaine cohérence avec les réponses à la question des attentes vis-à-vis de l’Etat (Pour vous, la meilleure façon dont l’Etat peut porter une politique en faveur de l’ESS consiste à mettre en place…).

La confiance en l’Etat étant limitée, les réponses sont donc partagées même si l’approche transversale (interministérielle) arrive en tête (39 % sont pour des « unités » ESS dans chacun des Ministères (économie, travail, écologie, santé, éduction…) juste devant une démarche de type plan à dix ans via un « Grenelle de… » (25 % sont favorables à un forum de type « Grenelle » impliquant ESS, Etat, collectivités… pour construire un plan à 10 ans). En ils ne sont qu’un cinquième (20 %) à se prononcer pour un secrétariat d’Etat « pour une économie responsable et solidaire » incluant les enjeux de l’ESS et moins encore (16 %) à revendiquer la résurrection d’une administration spécifique, de type Délégation interministérielle avec des moyens ad hoc.

Prochaine étape : la plus concrète possible

La dernière question porte sur ce que doit être la prochaine étape du mouvement. Ici encore les réponses sont très partagées et renvoient aux débats qui ont cours actuellement dans le réseau avec toutefois une légère prédominance des propositions concrètes et pratiques comme par exemple avec un ordre qui reste cohérent avec la logique du pragmatisme de cette approche :
- obtenir un usage systémique de critères sociaux et écologiques dans les leviers économiques publics (marchés publics, aides publiques, législations bancaires…) (30 %)
- modifier les indicateurs de richesse et de performance utilisés par les pouvoirs publics et par les entreprises (24 %)
- diffuser l’ESS dans l’ensemble du système éducatif, la faire connaître et faire émerger une nouvelle génération d’acteurs.
- faire reconnaître l’ESS comme un acteur à part entière (18 %).

A noter que 6 % seulement des réponses se prononcent pour une augmentation significative des financements publics et privés disponibles pour consolider et développer davantage l’ESS dans la durée. Sans doute faut-il y voir là les effets conjugués de la crise et du fait que personne ne semble croire réellement que les pouvoir publics ou les entreprises s’engageront pour consolider et développer l’économie sociale et solidaire dans la durée. Sous des discours de façade qui affichent parfois des velléités de « moralisation du capitalisme », chacun a bien compris que des changements n’interviendront réellement dans la sphère de l’économie que s’ils sont accompagnés par de véritables changements politiques de fond qui ne sauraient se résumer à un simple changement de majorité . Alain GOGUEY

Pour télécharger les résultats de l’enquête du Labo de l’ESS

http://www.nord-social.info/spip.ph...

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