Depuis plus de 20 ans, l’AITEC participe à la mise en réseau de professionnels, de chercheurs et
d’associations pour la construction d’une expertise citoyenne et des propositions alternatives
notamment dans le champ de l’urbain et du logement.
Depuis un an, l’AITEC a souhaité engager un processus visant à dynamiser les échanges et la
production d’analyse portant sur l’action publique en matière de logement.
Dans cette
perspective, quatre réunions de travail ont été organisées depuis octobre 2010.
Pour valoriser,
approfondir, et construire à partir des échanges qui ont été lancés depuis quelques mois, l’AITEC
organise une rencontre-débat sur le temps d’une journée.
Si la crise structurelle du logement est dénoncée depuis plusieurs décennies maintenant par les
acteurs de logement (au premier rang desquels les associations de locataires et de mal logés), la
crise financière et économique qui s’est accélérée depuis 2008 a assurément créé de nouvelles
fragilités.
Les personnes confrontées à des problèmes de logement sont chaque jour plus
nombreuses et leur profil se sont diversifiés : les personnes dites défavorisées mais aussi les
travailleurs précaires et les classes moyennes, les étudiants, les familles nombreuses, etc.
Par ailleurs, la politique actuelle du logement a fait la preuve de son incapacité à réduire les difficultés
que rencontrent de très larges pans de la société française, non seulement en raison des moyens
insuffisants consacrés au logement, mais aussi par l’absence d’un réel projet et d’une ambition, à agir
dans ce domaine.
Plus grave encore, certaines des dispositions mises en oeuvre dans la période récente font craindre une aggravation de la situation : les mesures destinées à favoriser l’accession à la propriété dite « pour tous » qui risquent de créer des difficultés futures, les aides à l’investissement immobilier pour les ménages aisés qui renchérissent le marché, les tentatives de criminalisation des occupations de terrains et de l’habitat informel…
Des acteurs, associations et syndicats notamment, tentent de dénoncer les attaques et de protéger quelques acquis, comme les modes de financements du logement social par exemple. Ils réfléchissent aussi à ce pourrait être une autre politique du logement qui permette de garantir à tous un accès à un logement abordable et de qualité, le droit au choix de son lieu et mode de vie et l’inscription dans une perspective de développement durable.
Cette journée de discussion s’inscrit dans ce mouvement de réflexion large sur le logement et la ville pour aller au-delà de la dénonciation et penser les alternatives et luttes à mener, notamment dans la perspective d’une année politique importante.
Programme provisoire de la rencontre
9h30-10h Introduction
Annie Pourre (No-vox), Jean-Pierre Troche (Aitec)
10h-11h15 TR 1. Réguler les marchés locatifs, immobiliers et fonciers
Animation : Gustave Massiah (Aitec)
Benoit Filippi (ACD), Manuel Domergue (Jeudi noir), un-e
représentant-e syndical-e.
11h15-12h30 TR 2. Refonder le logement social
Animation : Jean-Pierre Troche (Aitec)
Jean-Baptiste Eyrault (DAL), Laurent Ghekière (Union sociale pour
l’habitat), un-e représentant-e d’un syndicat de locataires, un-e élu-.
Pause déjeuner
14h00-15h15 TR 3. Développer une 3ème voie : mobiliser autour d’alternatives
Animation : Samuel Jablon (Aitec)
Anne d’Orazio (Ecole d’architecture Paris La Villette), Pierre-Yves Jan
(réseaux de l’habitat groupé dans l’ouest de la France), un
représentant de l’association Halem.
15h15-16h30 TR 4. Faire du logement un enjeu du débat démocratique
Animation : Lilia Santana (Aitec)
Serge Depaquit (Adels), Mathilde Cordier (Institut d’urbanisme de
Paris), Jean-François Tribillon (Aitec), Emmanuelle Cosse (Conseil
régional d’Ile-de-France – Sous réserve)
16h30-16h45 Grands témoins :
Un représentant de la Fondation Abbé Pierre
Un représentant d’Attac
16h45-17h00 Conclusions, perspectives de travail
Appel au débat : Quelques éléments de réflexion /Eléments d’introduction
Entre radicalité et réformisme, quelles sont les articulations à construire entre les débats d’experts et les mouvements sociaux ? A l’heure d’un recul manifeste de la politique du logement en France et en Europe, une lecture partagée des enjeux apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle doit permettre de dépasser les contradictions qu’on retrouve souvent dans les revendications et les pratiques des acteurs de la transformation sociale : la mixité sociale et le droit au logement, le rapport à la propriété privée, l’habitat choisi et le rapport aux normes, les solutions alternatives pour tous ou pour les « écolo bobo »…
Dans ce contexte où les collectifs se mettent souvent d’accord sur des revendications minimales, une question transversale se pose concernant la place du droit dans la mise en oeuvre d’un droit au logement effectif. Déjà en 2007, au moment de l’élaboration de la loi Dalo, les associations et mouvements avaient pris acte de cette décision - perspective pour laquelle ils s’étaient fortement mobilisés depuis plusieurs années - mais avaient alerté sur le fait que cette loi relevait davantage d’un affichage que d’un réel mécanisme d’opposabilité. Alors que la loi Dalo a renforcé l’octroi de droits individuels, la faiblesse des mécanismes structurels en matière de production de logements abordables questionne sur l’avancée des droits sociaux. Pire, alors que l’on affiche l’existence d’un droit au logement opposable, les droits reculent : pénalisation des personnes victimes de leur condition en habitat précaire, absence de droits pour un nombre croissant de situations (personnes en camping à l’année)…
Régulation des marchés, place du logement social, construction d’alternatives, gouvernance… apparaissent comme autant de thèmes à réinterroger en lien avec les luttes menées en France et ailleurs dans le monde.
Table ronde 1. Réguler les marchés locatifs, immobiliers et fonciers Entre 1995 et 2010, les prix des logements ont été multipliés par 2,5 alors que les revenus ont été multipliés par 1,6 (Credoc). Les niveaux des loyers et de l’immobilier apparaissent aujourd’hui totalement déconnectés de l’évolution des revenus des ménages, se traduisant par une extrême fragilité des situations (risque d’impayés, de surendettement…). Le logement est non seulement le reflet des inégalités mais il est aussi générateur de nouvelles inégalités. Le coût du logement pénalise avant tout les ménages les plus modestes ; la progression de la part des ressources consacrée au logement est d’autant plus forte que l’on dispose de revenus plus faibles. De plus, les marchés immobiliers sont moteurs de ségrégation sociale : disparités des prix pour un même type de bien selon sa localisation. Ainsi, le fonctionnement des marchés immobiliers ne permet ni la mise en oeuvre du droit au logement ni la mixité sociale. Malgré ces constats largement partagés les politiques publiques continuent à se fonder sur une croyance dans les effets positifs du marché et de la dérégulation : « remise sur le marché » des zones valorisables dans les quartiers de la rénovation urbaine, positionnement idéologique sur « une France de propriétaires », projets de dérégulation du droit de l’urbanisme… A l’inverse, les voix sont de plus en plus nombreuses à demander la régulation des loyers à la relocation. Mais sous quelles formes ? Dans quels objectifs ? Et plus largement n’est-ce pas sur l’ensemble des marchés immobiliers et fonciers qu’il faudrait intervenir pour assurer non seulement le droit au logement mais aussi le droit à la ville ?
Table ronde 2. Refonder le logement social Diminution des aides à la pierre, vente des logements sociaux, attaque sur le livret A… Le logement social est soumis à une série de mesures qui mettent en question ses capacités d’intervention et les outils sur lesquels repose le système sont mis à mal. Profondément, ce sont les fondements du logement social qui se voient ainsi remis en cause : l’approche « résiduelle » du logement social (loger les pauvres) est privilégiée au détriment de sa vocation généraliste (loger les personnes modestes et défavorisées et favoriser la mixité sociale). Ces processus, à l’oeuvre depuis plusieurs années déjà, connaissent aujourd’hui une véritable accélération, la rupture est là. Cette dynamique est renforcée par les conceptions de la Commission européenne sur le logement social : le secteur du logement social « à la Française » et ses outils de financement induisent des distorsions de concurrence et doivent à ce titre être amenés à évoluer. Encore une fois, les plus modestes seront les plus touchés, avec non seulement une offre de logement abordable insuffisante mais aussi une remise en cause des droits des locataires. Les attaques politiques font écho aux attaques des marchés. Du fait de l’augmentation des valeurs immobilières et foncières, le logement social est pris dans un effet de ciseau : d’une part, les conditions objectives de production du logement social sont rendues plus difficiles ; d’autre part, la rotation est en baisse, les trajectoires résidentielles sont bloquées et les occupants du parc social sont de plus en plus modestes. Au coeur de ces différents constats, une question fondamentale se pose : dans un contexte global de financiarisation du logement, comment refonder une place pour le logement social, selon quelle définition, avec quels outils ? De très nombreuses questions découlent de cette refondation : quelle place pour les locataires dans les structures de décisions des bailleurs ? Quelle substitution des pouvoirs publics face aux maires qui ne veulent pas construire ? L’articulation aide à la pierre / aide à la personne (les effets régulateurs du parc social sur les marché et les effets d’alimentation du marché de l’aide à la personne).
Table ronde 3. Développer une 3ème voie : mobiliser autour d’alternatives Partout en France, des groupes d’habitants se mobilisent pour (re)développer autour du logement des modes alternatifs de production, de conception et d’habiter : habitat choisi, habitat groupé, coopérative d’habitant, auto-construction… Inspirés d’expériences étrangères ou historiques en France, ces modèles se veulent une troisième voie, entre les approches « tout Etat » et « tout marché ». Les modèles sont nombreux et font souvent figure d’étendard pour répondre à des objectifs multiples : accès à un logement abordable, questions environnementales, construction et autonomie d’un collectif, bien-vivre, solidarité, choix de son mode de vie (habitat éphémère, mobile)… Ces alternatives sont-elles des véritables leviers, porteurs de transformation sociale ; ou des « niches », dans lesquelles s’engouffrent certaines composantes des classes moyennes et supérieures, mais qui seraient dans l’incapacité d’apporter des réponses aux personnes les plus en difficulté ? Quand aux modes d’habitat qui ne sont pas en dur, sont-ils toujours un choix ou parfois une contrainte ? La dimension participative de ces projets augure d’aspirations nouvelles et plus collectives en termes de mode d’habiter, mais n’y a-t-il pas un risque que ces initiatives soient porteuses de nouvelles exclusions et de renforcement de l’entre soi ? Malgré ces risques et le nombre encore réduit de projet, cette forme de renouveau du mouvement coopératif semble trouver un certain écho auprès des collectivités locales et s’accompagne de réelles réflexions et éléments d’innovations sur la lutte contre les mécanismes spéculatifs, la propriété collective, le portage foncier… autant de pistes sans lesquelles aucune politique de logement ambitieuse ne pourra aujourd’hui être mise en oeuvre. Quelles sont les luttes à mener pour le développement de ces alternatives face à la diversité des modèles et des expériences ?
Table ronde 4. Faire du logement un enjeu du débat démocratique Le système français du logement a atteint aujourd’hui des niveaux de complexité et de technicité tels qu’il est très difficile d’organiser des débats publics sur ces questions. Le logement reste "une affaire de spécialistes" et chaque nouvelle loi rajoute de la complexité. Quelle régulation citoyenne du système peut-on mettre en place ? L’enjeu démocratique croise celui de l’articulation des différentes échelles, du national au local, pour la mise en oeuvre du droit au logement en lien avec une politique réelle d’aménagement des territoires. L’éclatement actuel des compétences rend illisible le jeu des responsabilités pour véritablement lutter contre le mal logement. Il faut s’interroger sur les enjeux d’une politique publique locale du logement dont l’effectivité dépend d’une poursuite et de l’amélioration du processus de décentralisation en termes de répartition solidaire des ressources entre les territoires et de légitimité démocratique des instances de décisions. L’idée de « service public du logement » est-elle à même de répondre à la nécessaire articulation de ces enjeux locaux et nationaux ? N’hésitez pas à nous adresser vos contributions écrites, souhaits d’intervention aux tables rondes….. Le programme définitif de cette journée d’échanges et de débat est actuellement en préparation. Il s’alimentera notamment des contributions des différents partenaires de l’Aitec, en tant compte de la diversité des positionnements : associations, collectifs d’habitants, chercheurs, syndicats…
Samedi 18 juin 2011, de 9h30 à 17h, à la Bourse du Travail. Salle Pelloutier, 3, rue du Château d’Eau. 75010 Paris
Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs
21 ter, rue Voltaire 75011 Paris
Fanny Simon >fannys.aitec@reseau-ipam.org]
Gildas Jossec gildas.aitec@reseau-ipam.org